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enfer ! De quels germes atroces sont-ils donc sortis ! Je n’en sais rien. Hurlant et tordus, les uns rampant sur le sol, avec des grouillements vermiculaires ; les autres, brandissant entre leurs guenilles poissées de sanie, des membres tronqués, mutilés ; tous, la face convulsée, troués de gangrènes immondes, ils montrent, non sans coquetterie, des plaies qui n’ont pas de nom, même dans les léproseries de l’Orient ; ils étalent, avec une fierté visible,des difformités paradoxales, pleines d’hallucination et de cauchemar. On les voit avivant, avec un bel orgueil, leurs chairs rongées, putréfiées, pressurant de leurs moignons, de façon ostentatoire, des tumeurs hideuses, d’où le pus jaillit. Et c’est à qui de ces misérables – vivantes pourritures – sera le plus repoussant, exhalera la plus insupportable puanteur.

Par un étrange oubli — et peut-être par une haine consciente – de l’Humanité qui les a vomis, ils mettent une sorte d’amour-propre, un point d’honneur, une vanité à ne plus conserver rien d’intact, par où se reconnait en eux qu’ils ont été des hommes. Et quels foudroyant mépris pour les camarades dont les membres gardent encore, de ci, de là, du vestiges de formes humaines, dont les chairs accusent parmi les coupures et les boursouflements, des parties inattaquées ! Quelles jalousies, entre eux, pour un polype rare, un cancer plus beau que les leurs, une éléphantiasis de grosseur insolite : jalousies qui vont parfois jusqu’à l’assassinat.

Eh bien ! mon brave électeur, normand ou gascon, picard ou cévenol, basque ou breton, si tu avais une lueur de raison dans ta cervelle, si tu n’étais pas l‘immortel abruti que tu es, le jour où les mendiants, les estropiés, les monstres électoraux viendront sur ton passage coutumier étaler leurs plaies et tendre leurs sébilles, au bout de leurs moignons dartreux, si tu n’étais pas l’indecrottable souverain, sans sceptre, sans couronne, sans royaume, que tu as toujours été, ce jour-là, tu t’en irais tranquillement pécher à la ligne, ou dormir nous les saules, ou trouver les filles derrière les meules, ou jouer aux boules, dans une sente lointaine, et tu les laisserais, tes hideux sujets, se batte entre eux, se dévorer, se tuer. Ce jour-là, vois-tu, tu pourrais te vanter d‘avoir accompli le seul acte politique et la première bonne action de ta vie.

Octave Mirbeau

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(Figaro du 14 juillet).


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Histoire deFIorence depuis la domination des Médtkis, par M. Perrens (Quantin). lt. Pertena aborde la période de la décadence qui est peut·étre la plus originale des annales de Pilluatre cité. Aveclexpédition de Charles Yll, en Italie, Pindipne héritier de Courte et de laurent de Médicis succombe ao_ua le poids de ses fautes et e pat]: dBno· moque ressatsit le pouvoir. lllais la république 1 éoeratxque qui se fonde naqu’une éylgéntere durée, elle_ est entratnée dans e tragiques péripéties par son chefâavonarole qui en devient la princïaie victime: lld. Perrens, qui a éja retrace dans une savante Nvwpsptue la vie du e lèbn dominicain, a longuement exposé le role de ce trtbun hon- nête et lougueux que de nouveaux documents ont permis de juger aujourdhui avec une Hsvareuae nnparnahte. L¢Fmm.·¢ avant et pendant la Révolution, par Edouard Olivier (Guillaumin). De l`aveu méme de l’auteur, ce ne sont pas des documents nouveaux qu‘il_ nous tppurte sur les classes, les droits féodaux et les services publics d’avant la Révolunnn; il ai entendu éerire qu’une compilation, un répertoire pratique permettant de connaitre les mstitutiuns régissant la vieille France.