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de Jones sont des merveilles de détail achevé et imaginatif… Morris, quoique doué jusqu’à présent de peu de pratique, n’a pas moins de puissance. Il écrit des poèmes réellement admirables. »[1]

Plus tard un des plus sagaces critiques de la pensée contemporaine, M. Teodor de Wyzewa, devait écrire : « Je crois que les vers de M. Morris sont les plus beaux qui soient dans la littérature anglaise de ce siècle. »[2] Swinburne le comparait à Chaucer : « Dans toute la noble lignée de nos poètes, il n’y a pas eu depuis Chaucer pareil conteur, aucun rhapsode qui lui fût comparable avant la venue de celui-ci. » M. Edmund Gosse le compare plutôt à Spenser : « Si nous cherchons la contrepartie de Morris parmi les vieux maîtres, Spenser nous saute à l’esprit. »

C’est, sans aucun doute, à sa fréquentation des plus nobles esprits de la Confrérie préraphaélite que William Morris dut sa passion de la beauté. Il peut être considéré comme ayant fait partie de la Confrérie à partir de 1856, lorsqu’il fonda The Oxford and Cambridge Magazine, où se retrouvèrent la plupart des collaborateurs de la fameuse revue de Rossetti, The Germ, née et morte en 1850. En 1858, il prit part, sous la direction de Rossetti, à la décoration de la grande salle de l’Union Club d’Oxford, avec Burne Jones, Val Prinsep et Arthur Hughes. On connaît le désastre qui s’ensuivit : les fresques laborieusement exécutées par les Préraphaélites furent peu à peu absorbées par la couche de plâtre sur laquelle elles avaient été peintes sans apprêt suffisant, et ne sont aujourd’hui que d’informes fantômes.

La même année, William Morris se révélait définitivement au public lettré par la publication de La Défense de Guinevere et autres Poèmes, dont les thèmes, les personnages et les décors sont empruntés aux légendes de la Table Ronde. Les preux de la cour du roi Arthur y exhaussent en lourdes chevauchées leurs pennons barrés des trois léopards ou célèbrent l’amour qu’ils connurent aux bras nus des dames de leurs rêves. On a voulu discerner dans ces premiers poèmes l’influence de Tennyson. Il serait plus juste de dire que William Morris y subit, comme Tennyson dans ses Idylls of the King, le charme

  1. Gabriel Mourey, Passé le Détroit.
  2. Téodor Wyzewa, Le Mouvement socialiste en Europe.