Page:La Société nouvelle, année 14, tome 1, 1908.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Venez. — Vous n’aurez aucun guerdon pour la soif et la faim éprouvées,
Mais vous aurez les lèvres baisées de l’amour et la belle vie éternelle !
Appelez, car quelqu’un écoute qui vous mène à sa demeure !

Est-il parti ? Était-il parmi nous ? Ô vous qui cherchez le salut,
N’allez pas plus loin ; venez ici. Car ne l’avons-nous pas trouvé ?
Voici la maison de l’accomplissement du désir,
Voici la coupe enguirlandée de roses,
La blessure du monde guérie, et le baume qui l’a adoucie.
Appelez, car il écoute, le doux Amour qui nous a menés à sa demeure.


Je ne connais rien d’aussi noble que cette acceptation des épreuves fatales et des douleurs nécessaires de la vie pour l’amour de l’Amour. Aimez-vous les uns les autres, non pas en vue d’une récompense céleste, ni même avec l’espoir d’être payé de retour, mais parce qu’une minute de transport sacré éclairera à jamais toute votre vie. William Morris était assez mâle pour ne pas donner à l’amour sa seule signification sexuelle ; il ne le symbolisait pas seulement par l’image des lèvres unies des amants, mais par celle des mains enlacées des amis. L’amour pour lui ne se bornait pas à la recherche de quelques satisfactions charnelles ou sentimentales. Non, son amour, qui savait se faire toute tendresse à son foyer, écoutait, inquiet et rude, l’appel de la douleur, bondissait hors de sa demeure pour éveiller ceux qui dorment derrière leurs portes fermées, ameutait contre l’injustice toute la sainte racaille de la rue. Lui, si richement doué, sentait impérieusement tout ce qu’il devait à ceux qui sont dénués de tout. N’est-ce pas Maeterlinck qui dit que le plus humble paysan est autre aujourd’hui qu’il ne serait si, il y a des siècles, Platon n’avait parlé ? La réciproque est vraie et tout génie se doit un peu à l’humanité de son temps. Or, nul ne se prodigua avec plus de largesse que William Morris. Il est donc permis d’espérer que la moisson de ses idées sera abondante au jour futur de la Révolution.

La Révolution, William Morris la souhaitait de toute l’ardeur de sa foi. Car son amour n’était pas celui qui se paie de paroles et qui n’oppose à l’iniquité que de vaines remontrances. Il