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dans sa vie que dans ses œuvres. Il ardait de pétrir l’humanité comme il façonnait les vers. Il lui fut impossible de faire deux parts de son âme, l’une s’exaltant vers la beauté idéale, l’autre se résignant à la laideur réelle. Il fut sincère envers lui-même, donc sincère envers les autres.

Bon, William Morris le fut et par la bonté il s’enrichit l’àme. Ce n’est pas lui qui eût trouvé nécessaire, comme le stérile Barrès, d’inventer un système de psychothérapie pour se donner de la santé morale. Instinctivement, comme les femmes et les enfants, il aima, et ne crut pas se diminuer en aimant. Écoutez cette glorification mystique de l’Amour :

L’Amour suffit. Ô vous qui cherchez le salut,
N’allez pas plus loin, venez ici ; il en est qui l’ont trouvé,
Et ceux-là connaissent la maison de l’accomplissement du désir,
Ceux-là connaissent la coupe enguirlandée de roses,
Ceux-là connaissent la blessure du monde et le baume qui l’a guérie.

Appelez (car le monde ne vous écoute pas) : Amour, mène-nous à ta demeure !


Il mène, il écoute, il vient vers vous ;
Composez-vous un visage d’airain devant la crainte que suscitent
Son aiguillon pour les faibles et son fouet pour les audacieux.
Voyez ses lèvres, comme elles tremblent du récit des derniers baisers ;
Voyez ses yeux pleins de toute la douleur qu’ils ne peuvent celer ;
Criez, car il vous écoute : Ô Amour, mène-nous à ta demeure !

Ah ! écoutez les mots de sa voix pitoyable :
Venez, entourez-moi, ô les fidèles qui souffrez
D’inquiétude et de lassitude, et du mode changeant du monde.
Comme la pluie au milieu du matin, vos maux vont redoubler.
Mais certes, en vous renaît quelque chose de divin

Quand vous m’appelez, moi qui vous écoute et vous mène vers ma demeure.


Venez. — Vous connaîtrez la douleur et jusqu’au bout vous serez aveugles.
Venez. — Vous connaîtrez la peur sous le ciel assombri.
Venez. — Vous connaîtrez le changement, car vous irez très loin.