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faits, dessinateur de papiers peints, fabricant de tapisseries, de tapis, d’étoffes, à l’occasion de meubles même, depuis peu de temps imprimeur de livres, publiciste aussi, et l’un des chefs respectés du Parti socialiste, et excellant en chacun de ces travaux divers, renouvelant tout ce qu’il touche, sentant qu’à l’artiste vrai rien dans l’art ne doit être indifférent ou étranger, s’intéressant passionnément ainsi à ses manifestations les plus humbles comme les plus hautes, enfin d’une universalité de talents, de génies, de connaissances, de techniques, comme en ont possédé seuls de rares maîtres d’autrefois. »[1]

En effet, William Morris était devenu le chef de cette école d’ornemanistes qui, depuis soixante ans, transforme dans le sens de la beauté tous les arts domestiques en Angleterre. Réaliser la beauté dans la vie pratique et quotidienne, tel fut le but de ces nobles maîtres, Morris, Crane, Philip Webb, Street, Norman Shaw, grâce auxquels l’architecture comme la typographie, la verrerie comme la ferronnerie, la tapisserie comme l’imagerie ont soudain fleuri en mille formes gracieuses et correctes, qui sont les preuves vivaces d’une véritable renaissance anglaise. William Morris, chez qui l’action fut toujours la sœur du rêve, fonda même aux bords de la Wandle une fabrique où se déploya sa multiforme activité. « En un de ces délicieux paysages de nature grasse, généreuse, à l’ombre d’arbres puissants, au milieu d’une immense prairie s’élèvent les usines d’art de Merton Abbey. Usines d’art ! le vilain mot qui évoque une vision de fumée acre, de machineries bourdonnantes, de travail impersonnel. Non, rien de tout cela, mais une sorte de grande ferme, à un seul étage, dans la verdure, au bord d’une petite rivière, la Wandle, qui sinue autour en chemin de fraîcheur et de joyeux murmure. »[2]

C’est en cette charmante retraite que William Morris fit exécuter, sur des cartons de Walter Crane et de Burne Jones, des verrières aux profondes transparences, des tapisseries de haute lice, des papiers de tenture fleuris et ramagés, des meubles imités du temps de la reine Anne. Lui-même dessina plusieurs motifs décoratifs pour reliures et papiers peints, mais en général il se contentait de faire exécuter les dessins des autres. Il révéla ses goûts archaïques dans les livres de la

  1. M. William Morris et l’art décoratif en Angleterre (Revue Encyclopédique 15 août 1894).
  2. Gabriel Mouroy, Passé le Détroit