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Car l’espoir du peuple porte ce message : levez-vous demain
Et allez votre chemin vers le doute et la lutte ;

Unissez votre espoir à notre espoir, mêlez votre douleur à notre douleur,

Et cherchez l’amour des hommes dans les jours brefs de la vie.

Mais voici la vieille auberge, et les lumières, et le feu,
Et le vieil air du violoneux, et le bruit des pas qui glissent.
Bientôt nous y trouverons le repos et le désir,
Et le lever du lendemain pour les actes sera doux.


Malgré qu’il œuvrât de plus en plus pour l’avenir, William Morris ne fut jamais infidèle au passé, et tout en se vouant à la cause populaire, il n’oublia pas que le devoir suprême du poète est de créer autour de lui de la beauté. Il fut révolutionnaire au point de souhaiter que l’art pérît un moment si toutefois le monde ne pouvait être sauvé que par le sang, les larmes et les flammes ; mais il resta le plus obstiné traditionniste en matière littéraire et artistique. Il s’appliqua non seulement à raviver dans tous les métiers le goût des vieux styles anglais, mais à écarter même de sa langue tout vocable d’étymologie latine et à la renforcer du rude dialecte saxon de ses pères. Ainsi sa foi en l’avenir se justifiait par son amour du passé. Cette haute compréhension des effets et des causes le préserva de verser dans ce qu’il est convenu d’appeler l’art social. Il n’eut rien de commun avec les Gerald Massey et les Ebenezer Elliot. Lorsqu’il se dépensait en actes, c’était pour notre temps ; lorsqu’il œuvrait en art, c’était pour tous les temps.

Aussi n’est-il pas étonnant que ce conservateur révolutionnaire se soit tourné comme Wagner vers la légende, et qu’il ait chanté dans ses épopées les âmes élémentales des héros du Nord. L’invocation suivante est d’un mélancolique intérêt pour ceux qui n’ont connu de William Morris que le côté joyeux et combatif.

À LA MUSE DU NORD.

Ô Muse qui régis la triste chanson du Nord,
Ta main droite pleine de fléaux et de maux,
Ta gauche tenant la pitié, et ton sein
Palpitant de l’espoir d’un repos si certain ;