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Écoute ! Le vent de mars chante encore la foule,
La vie qu’elle mène là-bas, si hagarde et farouche
Que si nous et notre amour avions vécu parmi elle,
Ma tendresse aurait failli, ta beauté se serait ternie.

Ce pays que nous avons aimé dans notre loisir
Est au ciel pour elle, au-delà de son atteinte ;
Les grandes falaises qui dominent la mer n’ont nul attrait pour elle,
Les maisons grises de leurs pères n’ont nulle histoire à leur apprendre.

Les chanteurs ont chanté, et les bâtisseurs ont bâti,
Les peintres ont façonné leurs contes de délice ;
Pourquoi et pour qui le livre du monde a-t-il été doré,
Quand tout pour ceux-là n’est que ténèbres de la nuit ?

Jusqu’à quand et pourquoi leur patience attend-elle ?
Combien et combien de fois leur histoire sera-t-elle redite,
Pendant que l’espoir que personne ne cherche se cache dans l’ombre,
Et que dans le chagrin et la douleur la terre devient vieille ?

Reviens à l’auberge, mon amour, aux lumières et au feu,
Au vieil air du violoneux et au bruit des pas qui glissent ;
Car bientôt nous y trouverons le repos et le désir,
Et le lever du lendemain nous y sera doux.

Pourtant, mon amour, comme nous nous retournons, le vent souffle derrière nous

Et nous apporte la dernière parole qu’il nous dira cette nuit :
Comment, ici, dans le printemps, le message nous trouvera,
Car l’Espoir que personne ne cherche vient au jour.

Comme la graine au cœur de l’hiver qu’on ne voit pas et qui ne meurt pas,

Comme le blé semé en automne qui gît vert sous la neige,
Comme l’amour qui nous surprit sans que nous y fîmes attention,
Comme l’enfant qui grandit invisible sous ta ceinture,

Ainsi l’espoir du peuple germe et grandit ;
Le repos s’efface devant lui, comme l’aveuglement et la crainte ;
Il nous convie à apprendre toute la sagesse qu’il connaît ;
Il nous a trouvés et nous a retenus et nous convie à entendre.