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On en a la preuve à Manchester et dans les villes voisines. Quant aux petits métiers, la division du travail peut s’y pratiquer largement sans inconvénients ; on sait les nombreux ateliers entre lesquels se répartissent la fabrication des montres et autres industries.

On répète souvent qu’une machine d’un seul cheval-vapeur coûte relativement beaucoup plus cher qu’une machine dix fois plus puissante. Que la livre de coton filé revient à meilleur compte quand le fabricant double le nombre des broches. Ces calculs ne valent que pour les industries préparant en partie les marchandises en vue de transformations ultérieures, mais quant aux nombreux articles dont le travail doit être mené à terme, ils gagnent à être fabriqués dans de petites usines n’employant que quelques centaines ou même quelques dizaines d’ouvriers. Même dans les conditions actuelles, les usines monstres présentent de grands désavantages, entre autres celui de ne pouvoir utilement transformer leur outillage au fur et à mesure des goûts et des besoins du consommateur. Quant aux industries que chaque jour voit éclore, de simples ateliers leur suffisent d’abord : elles prospéreraient aussi bien dans les villages que dans les cités, à condition que ces villages fussent pourvus d’institutions propres à raffiner le goût et à stimuler le génie d’invention. Nous avons cité l’exemple des villages allemands où se confectionnent des jouets d’enfants et parlé de la haute perfection atteinte de nos jours par la fabrication des instruments d’optique et de mathématiques. L’art et la science ne sont plus le monopole des grandes villes et désormais le progrès consistera à les répandre dans les campagnes.

Quant aux conditions naturelles dont dépend la distribution géographique des diverses industries dans telle ou telle contrée, il est notoire que certains lieux sont mieux indiqués pour les unes que pour les autres. Les rives de la Clyde et de la Tyne conviennent parfaitement comme chantiers de construction pour les vaisseaux, et il faut que ces chantiers soient entourés de nombreux ateliers, de fabriques diverses. Il est bon que les industries se groupent suivant la distribution naturelle des différentes régions, mais il faut reconnaître qu’actuellement elles ne sont guère ainsi réparties et que la plupart doivent leur origine tantôt à des causes historiques : religion, guerres ou haines nationales, tantôt à la facilité du commerce ou de l’exportation, quoique cette raison ait aujourd’hui perdu de son importance par la multiplicité croissante des moyens de transport : elle en perdra davantage encore quand les producteurs travailleront pour eux-mêmes et non plus pour des consommateurs éloignés. Mais pourquoi, dans une société harmonique, Londres resterait-il le centre d’un commerce considérable de conserves et de confitures et fournirait-il de parapluies toute la Grande-Bre-