et les chapeaux un peu partout, tandis que la chaussure est la principale occupation dans les maisons et à l’atelier des environs de Northampton, Leicester, Ipswich et Stafford ; même à Norwich c’est encore un métier en faveur et le plus communément exercé, malgré la concurrence de la grande industrie qui fera bientôt disparaître le travail à la main.
Les petits métiers sont donc un facteur important de la vie industrielle, même en Grande-Bretagne où plusieurs d’entre eux se sont réfugiés dans les villes. Si on en trouve cependant moins que sur le continent, la cause de leur diminution relative ne doit pas être attribuée à une concurrence plus active de la part des fabriques, mais à l’exode forcé des villageois et à l’entassement des meurt-de-faim dans les villes. Les petits métiers se développent surtout là où le travail est à bas prix et c’est un des traits spécifiques de l’Angleterre que dans les villes surtout — où il y a tant de meurt-de-faim — les prix de la main-d’œuvre sont ravilis plus qu’ailleurs. L’agitation qui s’est produite en pure perte à propos du logement des prolétaires et du Sweating System[1] a fait ressortir ce trait caractéristique de la situation économique dans le Royaume-Uni, et les recherches consciencieuses de M. Booth prouvent qu’un quart de la population, c’est-à-dire un million sur les 3,800,000 habitants de la ville de Londres, ne peuvent même pas se procurer par leur travail 25 francs par famille et par semaine. La main-d’œuvre est offerte à un taux presque dérisoire par un si grand nombre de solliciteurs à Whitechapel, à Southwark, à Shawlands et autres faubourgs de la métropole, que tous les métiers manuels, qui sur le continent se disséminent dans les villages, s’y trouvent abondamment représentés. Une simple promenade dans les quartiers excentriques nous en apprendrait davantage que des chiffres, qui du reste n’existent pas, sur la quantité et la variété de petits métiers qui pullulent à Londres, comme dans toutes les principales agglomérations urbaines. Les rapports soumis au Comité d’enquête sur le Sweating System ont établi que les ameublements et les marchandises diverses qui encombrent les opulents « Bonheur des Dames » de Londres, ne sont très souvent que des expositions d’échantillons, un marché d’écoulement aux produits de la petite industrie. Des milliers d’affameurs, fabricants les uns, intermédiaires les autres, ont commandé ces travaux ; des sous-affameurs les ont distribués aux meurt-de-faim qui les exécutent dans leurs bouges ou leurs infimes ateliers, contre un
- ↑ On désigne sous ce nom, en Angleterre, l’exploitation à outrance faite par les petits patrons entre lesquels les grandes maisons distribuent leurs commandes. Aussi l’exploitation des femmes dans les ateliers de confection dans lesquels elles sont payées aux pièces et, pour chaque défaut découvert dans une pièce cousue, le prix entier de la pièce est déduit du salaire.