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Telles étaient les entreprises prochaines que l’on discutait naguère à Édimbourg, en une réunion de professeurs et d’étudiants qui s’étaient donné rendez-vous à l’University-Hall, de toutes les parties de la Grande-Bretagne ; des Italiens, des Français assez nombreux s’y étaient aussi rencontrés. Plusieurs conférences se donnèrent à la campagne ; telles leçons de géologie ou relatives à l’histoire d’Écosse se firent sur place. Quelques-unes furent accompagnées de représentations scéniques. On nous parla d’Artus, tandis que nous siégions à la Table Ronde, sur les doux fauteuils de gazon, au pied du château de Stirling.

En ce milieu dont M. et Mme Geddes sont les bons génies, on rêve à la transformation des études historiques. En nos lycées, collèges et facultés, l’histoire n’est qu’un déballage de momies. Et telle nous a paru la pensée maîtresse de Patrick Geddes, de ses collaborateurs et de ses disciples : vivre la science, aimer la science ; cultiver la science pour elle-même, et non pour le profit ; non point pour les carrières officielles qu’elle ouvre, pour les appointements qu’elle procure. On a fini par se lasser de la science telle que les pleutres la comprennent, telle qu’ils l’ont accaparée et imposée dans les universités officielles, devenues des fabriques de brevets au profit de la bourgeoisie. Il faudrait en revenir aux projets des humanistes des XVe et XVIe siècles qui pensèrent fonder des écoles pour développer l’humanité en l’homme. Mais à peine avaient-ils commencé que surgirent les dominicains et jésuites d’un côté, luthériens et calvinistes de l’autre, qui n’avaient souci, eux, que de propagande confessionnelle. Et « des humanités » il ne fut plus question. Il serait temps de reprendre l’idée que caressaient les grands esprits de la Renaissance et de transformer les universités actuelles en Écoles de Libres Études.

Ce sont là les projets, les réalisations admirables de Geddes et de ses amis, et c’est d’un cœur ému que nous contemplons les œuvres accomplies ; mais ici un doute nous prend : Que deviendrait l’entreprise dont la réussite croissante est due presque en entier à la personnalité de l’homme qui la réalise, à sa chaleur d’âme, à son enthousiasme sans cesse renaissant, à son amour qui pénètre tout et fond les obstacles comme de la cire ? Que deviendrait ce travail prodigieux si les capitaux auxquels il doit forcément s’adresser et qu’il emploie dans ces constructions, venaient à donner en un moment critique la prépondérance à des intérêts monétaires ligués contre lui ? Certes, les banquiers aiment à se répandre en démonstrations d’onctueuse philanthropie lorsque l’argent prêté leur rapporte d’honnêtes pourcentages ; ils débordent alors de sympathie pour les humbles et les pauvres. Mais ce sont là des sentiments sur lesquels il ne faut point compter d’une manière absolue ; si généreux que soit le prêteur, il n’aime point à se