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LA SOCIÉTÉ NOUVELLE

vous borner à ces acquisitions ou même continuer seulement à en amasser de semblables. Rien ne peut nous faire croire que l’état actuel où se trouve votre Pays Noir là-bas soit une nécessité irrémédiable de votre vie et de votre situation. De telles misères commencent et continuent par pure insouciance et la centième partie de l’énergie dépensée à les créer suffirait pour nous en débarrasser. Je crois que si nous n’étions pas tous trop portés à acquiescer à ce vil proverbe « Après moi le déluge », bientôt ce ne serait plus un vain songe que d’espérer que votre pittoresque pays, vos collines et vos champs puissent redevenir agréables d’une manière ou de l’autre, sans qu’il faille les dépeupler ; ou bien que ces vallées, jadis si aimables de l’Yorkshire, dans le « district aux laines pesantes, » avec ses vastes coteaux, ses nobles rivières, puissent offrir de nouveau, sans être frappées de ruine, un séjour délicieux aux hommes, au lieu de ces trous de chien qui sont l’œuvre du Siècle du Commerce.

Eh bien, on ne s’imposera aucun effort, aucune dépense nécessaire pour des réformes de ce genre, parce qu’on ne sent pas les maux dans lesquels nous vivons, parce qu’on est descendu au-dessous de la dignité humaine. Les hommes se sont rendus indignes de leur nom, parce qu’ils ont cessé d’avoir la portion d’art qui leur est due.

En cela, je le répète, les riches se sont fait tort autant à eux-mêmes qu’aux pauvres. Vous pourrez voir de nos jours des personnes ayant du goût, de l’éducation, qui ont été en Italie, en Égypte, et Dieu sait où encore, qui savent parler d’art avec assez d’érudition (et parfois avec assez de fantaisie) qui possèdent jusqu’au bout des doigts la connaissance de l’art et de la littérature du passé, et qui iront s’asseoir, sans marquer le moindre malaise, dans une maison d’une vulgarité et d’une laideur avec tout ce qui l’entoure qui sont tout bonnement brutales. Toute l’éducation de cet homme n’aura pas fait plus que cela pour lui.

La vérité est qu’en art, comme en toutes choses, l’éducation laborieuse d’un petit nombre n’élèvera pas même ces quelques-uns au-dessus des maux qui assiègent l’ignorance de la grande masse de la population. La brutalité, dont une grande réserve a été accumulée dans les bas-fonds de la société, percera souvent, sans grand effort, à travers le raffinement égoïste de ceux qui l’ont laissé s’accumuler. Le manque d’art, ou plutôt la suppression de l’art, qui afflige nos rues avec entourage sordide des classes inférieures, a son exacte contre-partie dans la sottise et la vulgarité des classes moyennes, la sottise doublement prétentieuse et d’une vulgarité à peine moins grande des classes supérieures.

Je dis qu’il doit en être ainsi. Aussi loin que cela aille, c’est juste et bien. En outre, les riches, au milieu de leurs loisirs, seront plus vite dispo-