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eux et avec les nuclei pareils qui s’organisent ou s’organiseront dans les autres régions de l’Italie ou de l’étranger, auront une double mission : d’abord ils formeront l’âme inspiratrice et vivifiante de cet immense corps qu’on appelle l’Association internationale des travailleurs en Italie comme ailleurs ; et ensuite ils s’occuperont des questions qu’il est impossible de traiter publiquement. Ils formeront le pont nécessaire entre la propagande des théories socialistes et la pratique révolutionnaire. — Pour des hommes aussi intelligents que vous et vos amis, je crois en avoir assez dit.

C’est surtout au point de vue de cette organisation intime dans toute l’Italie que j’ai beaucoup désiré que le Congrès de la démocratie italienne, dont avec votre illustre général[1] vous aviez pris l’initiative, se réunît au plus vite. Ce serait pour tous les démocrates socialistes, pour tous les socialistes révolutionnaires de l’Italie les plus sérieux une si magnifique occasion de se connaître, de s’entendre et de s’allier sur la base d’un programme commun. Naturellement, cette alliance secrète n’accepterait dans son sein qu’un très petit nombre d’individus, les plus sûrs, les plus dévoués, les plus intelligents, les meilleurs ; car dans ces sortes d’organisations, ce n’est pas la quantité, c’est la qualité qu’il faut chercher. Ce qui doit, selon moi, distinguer votre pratique révolutionnaire de celle des mazziniens, c’est que vous n’avez pas besoin de recruter des soldats pour former de petites armées secrètes, capables de tenter des coups de surprise. Les mazziniens doivent le faire, parce qu’ils veulent et croient pouvoir faire des révolutions en dehors du peuple. Vous ne voulez qu’une révolution populaire ; par conséquent vous n’avez pas à recruter une armée, car votre armée c’est le peuple. Ce que vous devez former, ce sont les états-majors, le réseau bien organisé et bien inspiré des chefs du mouvement populaire. Et pour cela, il n’est aucunement nécessaire d’avoir une grande quantité d’individus initiés dans l’organisation secrète.

J’ai donc été très affligé en voyant que le général, ennuyé par la discordance des opinions démocratiques et socialistes en Italie, a fini pour ainsi dire par renoncer à l’idée de réunir ce congrès ou bien l’a remis à un temps indéterminé, lorsqu’il y aura plus d’harmonie dans les idées. Je crois que si vous voulez attendre jusque-là, vous attendrez longtemps, toujours, et que vous mourrez tous sans avoir vu cette harmonie absolue se réaliser. Mon cher ami, laissez-moi vous le dire, cette harmonie est irréalisable et elle n’est même pas désirable. Cette harmonie, c’est l’absence de la lutte, l’absence de la vie, c’est la mort. En politique, c’est le despotisme. Prenez toute l’histoire et convainquez-vous qu’à toutes les époques et dans tous les

  1. Garibaldi.