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tement, sont intéressées au maintien de l’État actuel doivent être sacrifiées sans pitié : ainsi toute la noblesse et toute la haute bourgeoisie financière, commerciale et industrielle, tous les grands propriétaires de la terre et des capitaux, et en grande partie aussi la moyenne bourgeoisie : celle dont les enfants remplissent aujourd’hui l’armée comme officiers et la bureaucratie comme fonctionnaires. Cette moyenne bourgeoisie, en Italie comme partout, est une classe lâche et stupide, l’appui de toutes les corruptions, de toutes les iniquités, de tous les despotismes.

Il y a en Italie quatre couches sociales dont, selon moi, il faut tenir compte. Et avant tout, les deux couches principales, les plus nombreuses et qui forment la base réelle de toute la nation : le prolétariat des villes et celui des campagnes ; les ouvriers proprement dits et les paysans. Ce sont eux qui doivent donner le ton principal, la tendance réelle à la prochaine révolution. Ai-je besoin de vous dire que les uns comme les autres sont nécessairement, éminemment, instinctivement socialistes ?

Vos ouvriers des villes vous en donnent chaque jour des preuves nouvelles. L’empressement avec lequel ils viennent se grouper sous le drapeau de l’Internationale partout où il se trouve seulement quelques individus de bonne volonté, capables de l’arborer, en est une preuve irrécusable. Les mazziniens eux-mêmes ont fini par le reconnaître ; aussi les voyons-nous aujourd’hui faire du socialisme de très mauvais aloi et avec beaucoup de gaucherie sans doute. Idéalistes, ils ne sauront jamais en faire de sérieux. Mais l’esprit socialiste qui s’est emparé des masses ouvrières est trop puissant pour qu’il leur soit possible de l’ignorer davantage. Dans cette masse que j’ai appelée le prolétariat des villes, l’idéal tout entier tel que je viens de le définir est déjà l’objet d’une tendance très marquée, très explicite, de sorte que s’il n’y avait que lui, on pourrait aller bien loin. La passion qui l’anime surtout c’est celle de l’égalité, de la justice absolues. Il veut que tous les hommes travaillent également aux mêmes conditions économiques et sociales, que le monde soit un monde de travailleurs, et qu’il n’y ait plus de messieurs, qu’il n’y ait plus de possibilité pour personne de s’engraisser par le travail d’autrui. Il veut que chaque ouvrier jouisse du plein produit de son propre travail. Mazzini lui-même, dans ses derniers écrits, a reconnu la légitimité de cette demande qui est inscrite la première dans le programme de l’Internationale. Mais savez-vous ce que cette demande signifie ? Rien moins que l’appropriation de tous les capitaux par les associations ouvrières, effectuée d’une manière ou d’une autre. Car tant que les capitaux resteront monopolisés entre les mains des individus comme propriété personnelle, et que par la même raison les associations ouvrières, représentant proprement le travail, resteront privées de capital, rien ne pourra empêcher