Page:La Société nouvelle, année 11, tome 1, volume 21, 1895.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’ANTÉCHRIST

ESSAI D’UNE CRITIQUE DU CHRISTIANISME[1]


Préface


Ce livre appartient au plus petit nombre. Peut-être n’est-il encore personne au monde pour lui, tout au plus me liront ceux qui comprennent mon Zarathustra. Comment oserais-je me confondre avec ceux pour qui, aujourd’hui déjà, on a des oreilles ? Après-demain seulement m’appartiendra. Quelques-uns naissent posthumes.

Je connais trop bien les conditions qu’il faut réaliser pour me comprendre, sous lesquelles alors on me comprend nécessairement. Il faut être intègre dans les choses de l’esprit, intègre jusqu’à la dureté pour pouvoir seulement supporter mon sérieux et ma passion. Il faut être habitué à vivre sur des

  1. Depuis de longues années déjà Nietzsche s’était occupé des travaux préparatoires pour la Dépréciation de toutes les valeurs, dont il voulait faire son principal ouvrage philosophique, le résumé de son système et le couronnement de son œuvre. Pendant l’automne de l’année 1888 — son dernier automne — il commença la rédaction de son travail et écrivit L’Antéchrist du 3 au 30 septembre à Sils Maria et à Turin. C’est le premier livre de la Dépréciation qui devait être exécuté selon le plan suivant :

    La Volonté de puissance, Essais d’une dépréciation de toutes les valeurs.

    Livre premier. L’Antéchrist, essai d’une critique du christianisme.

    Livre deuxième. L’Esprit libre, critique de la philosophie en tant que mouvement morale.

    Livre troisième. L’Immoraliste, critique du genre le plus fatal de l’ignorance, la morale.

    Livre quatrième. Dionysos, philosophie de l’éternel retour.

    Ces trois derniers livres sont restés à l’état de projet. En janvier de l’année suivante l’impitoyable maladie devait atteindre Nietzsche. Les nombreuses notes et les plans pour l’édition complète de la Dépréciation seront publiés dans ses Œuvres posthumes que prépare M. Fritz Koegel au Nietzsche-Archiv de Naumbourg.

    L’Antéchrist a été publié dans le huitième volume des Œuvres complètes de Nietzsche qui vient de paraître chez l’éditeur C. G. Naumann, à Leipzig. Cette traduction prendra place dans l’édition française des œuvres du philosophe, actuellement en préparation.

    (N. du T.)