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ne sont que de la littérature. Il ne faut pas se laisser éconduire : « Ne jugez point ! » disent-ils, mais ils envoient en enfer tout ce qui se trouve sur leur chemin. En laissant juger Dieu, ils jugent eux-mêmes ; en glorifiant Dieu, ils se glorifient eux-mêmes ; en exigeant la vertu dont ils sont capables — plus encore, celle dont ils ont besoin pour se maintenir, — ils se donnent la grande apparence de lutter pour la vertu, l’apparence d’un combat pour le règne de la vertu. « Nous vivons, nous mourons, nous nous sacrifions pour le bien », (la « vérité », la « lumière », le « royaume de Dieu ») : en réalité ils font ce qu’ils ne peuvent s’empêcher de faire. En faisant les humbles comme des sournois, assis dans des coins, vivant dans l’ombre comme des ombres, ils s’en font un devoir : l’humilité de vie leur apparaît comme un devoir, elle est une preuve de plus de leur piété. Ah ! cette sorte de mensonge humble, chaste, apitoyé ! « La vertu elle-même doit rendre témoignage pour nous… » Qu’on lise les évangiles comme des livres de séduction par la morale : la morale est accaparée par ces petites gens, elles savent ce qu’il en est de la morale ! L’humanité se laisse le mieux mener par le bout du nez par la morale ! — En réalité, l’infatuité consciente de se sentir choisi, joue à la modestie : on s’est placé, soi, la « communauté », les « bons et les justes », une fois pour toutes, d’un côté, de celui de la « vérité » — et le reste, « le monde », de l’autre… C’était la plus dangereuse folie des grandeurs qu’il y ait jamais eue sur la terre : de petits avortons de cagots et de menteurs ont accaparé peu à peu les idées de « Dieu », de « vérité », de « lumière », d’« esprit », d’« amour », de « sagesse », de « vie », en quelque sorte comme si c’était le synonyme de leur propre être, pour éloigner et délimiter le monde ; de petits juifs au superlatif, mûrs pour toute sorte de petites maisons, retournèrent les valeurs d’après eux-mêmes, comme si le chrétien était le sens, le sel, la mesure et le dernier jugement de tout le reste… C’est ainsi que devint possible l’existence fatale d’une sorte de folie des grandeurs voisine, de même race, la folie juive : dès que s’ouvrit l’abîme entre juifs et chrétiens circoncis, il ne resta plus de choix pour ces derniers, il leur fallut employer contre les juifs eux-mêmes, les mêmes procédés de conservation de soi que l’instinct juif leur conseillait, tandis que les juifs ne les avaient employés jusque-là que contre les gentils. Le chrétien n’est qu’un juif de « confession plus libre ».


XLV


— Je donne quelques exemples de ce que ces petites gens s’étaient mis dans la tête, de ce qu’ils ont mis dans la bouche de leur maître : rien que de confessions de « belles âmes ».