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LA FORMATION DES RELIGIONS


AVANT-PROPOS[1]


S’il est une question vitale entre toutes, c’est bien celle de la religion. Haute et profonde elle englobe les vies, tant des individus que des nations. Elle ne se manifeste pas en toute occurrence, mais avec quelque perspicacité, on ne manque pas de la découvrir.

Entre elle et la science s’est engagée une lutte qui sévit encore ; lutte inflexible, mais souterraine le plus souvent, et silencieuse. Le triomphe de la science, on eût pu le croire définitif, quand il fut reconnu que le soleil ne tourne pas autour de la terre, quand l’école accepta le système de Newton, de Newton que Galilée et Kopernik avaient précédé et que devait suivre Laplace. Mais quoi Newton, lui-même, reprit la plume des Principia pour écrire un commentaire sur l’Apocalypse, disserter sur le Millenium et sur le nombre de la Bête !

Inutile d’expliquer ici comment les nations d’Europe font de la politique, soit catholique, soit protestante ou orthodoxe ; ni de démontrer que dans cette nation-ci les luttes politiques ont leur point de départ dans l’idée religieuse et que les différents partis se classent suivant que leurs affinités sont cléricales ou anticléricales. Ce ne serait ni le lieu ni le moment d’approfondir comment la république voisine, après avoir crié avec le Tribun de Belleville : « Le cléricalisme, c’est l’ennemi », a repris les anciennes traditions catholiques à l’extérieur, pour ensuite gouverner à l’intérieur avec l’appui et la haute approbation du pontife siégeant au Vatican. Les va-et-vient de la politique contemporaine ne sont point notre fait. Mais si nous en avions le temps, il nous plairait d’étudier avec vous comment la Belgique catholique se sépara naguère de la Hollande protestante. Comment les dissensions religieuses ruinèrent les Flandres, les dépeuplèrent au profit des Pays-Bas voisins, lesquels devinrent la puissance calviniste par excellence.

  1. Conférence à l’École des Libres Études.