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plus dire comment, une fois ces rapports connus, on a pu atteindre aux formules de constitution qui ont permis le merveilleux développement de la chimie organique.

Mais je puis, utilement peut-être, revenant à des considérations physiques, prouver que les molécules d’un fluide quelconque, liquide ou gaz, sont en mouvement incessant.


DIFFUSIONS OU DISSOLUTIONS


Tout le monde sait que si l’on superpose avec précaution de l’eau et du vin (ou encore de l’eau et de l’alcool) ces deux liquides ne restent pas longtemps séparés, bien que la couche supérieure soit la moins dense. De même, si l’on met du sucre au fond d’un verre d’eau, et si l’on attend quelques jours, on trouvera de l’eau sucrée dans toutes les parties du verre. L’alcool et l’eau, le sucre et l’eau, se sont pénétrés par diffusion réciproque. Et il faut bien admettre que leurs molécules ont été animées de mouvements, au moins pendant le temps qu’a duré leur dissolution.

À vrai dire, si l’on avait superposé de l’eau et de l’éther, une surface de séparation serait restée nette. Mais même dans ce cas de solubilité incomplète, il passe de l’eau dans toutes les couches de l’éther qui surnage, et de l’éther dans toutes les couches du liquide inférieur. Un mouvement des molécules s’est donc encore manifesté.

Avec des gaz, la diffusion est plus rapide et la diffusion se produit toujours jusqu’à l’uniformisation de la masse entière. C’est l’expérience célèbre de Berthollet, mettant en communication par un robinet, dans une cave à température bien constante, un ballon plein de gaz carbonique avec un ballon égal plein d’hydrogène à la même pression, ce dernier au-dessus de l’autre. Malgré la grande différence des densités, chacun des deux ballons contient bientôt autant d’hydrogène que de gaz carbonique.

La rapidité de la diffusion peut du reste être grande ou petite aussi bien pour des corps très analogues que pour des corps très différents. Par exemple, l’alcool éthylique (esprit de vin) et l’alcool méthylique (esprit de bois) physiquement et chimiquement très semblables, se diffusent plus rapidement l’un dans l’autre que ne font l’alcool éthylique et la benzine, beaucoup plus différents l’un de l’autre.

Mais alors, s’il y a aussi diffusion (malgré analogie déjà grande) entre l’alcool éthylique et l’alcool méthylique, ou entre de l’alcool éthylique et de l’alcool propylique, peut-on douter qu’il y aura aussi diffusion entre de l’alcool éthylique et de l’alcool éthylique ? Sans aucun doute, cette diffusion se produira, mais nous ne nous en apercevrons plus, à cause de l’identité des deux corps qui se pénètrent.

Nous sommes donc forcés de penser qu’une diffusion continuelle se poursuit entre deux tranches contiguës quelconques d’un même fluide. S’il existe des molécules, il revient au même de dire que toute surface tracée dans un fluide est sans cesse traversée par des molécules qui passent d’un côté à l’autre, et par suite que les molécules d’un fluide quelconque sont en mouvement incessant.