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4Dieu est sage en son cœur, et puissant en force : qui lui a résisté, et est demeuré en paix ? 5Il transporte les montagnes, sans qu’elles le sachent, il les renverse dans sa colère ; 6il secoue la terre sur sa base, et ses colonnes sont ébranlées. 7Il commande au soleil, et le soleil ne se lève pas ; il met un sceau sur les étoiles. 8Seul, il étend les cieux, il marche sur les hauteurs de la mer. 9Il a créé la Grande Ourse, Orion, les Pléiades, et les régions du ciel[1] austral. 10Il fait des merveilles qu’on ne peut sonder, des prodiges qu’on ne saurait compter. 11Voici qu’il passe près de moi, et je ne le vois pas ; il s’éloigne, sans que je l’aperçoive. 12S’il ravit une proie, qui s’y opposera, qui lui dira : « Que fais-tu ? » 13Dieu ! Rien ne fléchit sa colère ; devant lui s’inclinent les légions d’orgueil.[2] 14Et moi je songerais à lui répondre, à choisir mes paroles pour discuter avec lui ! 15Aurais-je pour moi la justice, je ne répondrais pas ; j’implorerais la clémence de mon juge. 16Même s’il se rendait à mon appel, je ne croirais pas qu’il eût écouté ma voix : 17lui qui me brise comme dans un tourbillon, et multiplie mes blessures sans motif ; 18qui ne me laisse point respirer, et me rassasie d’amertume. 19S’agit-il de force, voici qu’il est fort, s’agit-il de droit, il dit : « Qui m’assigne ? » 20Serais-je irréprochable, ma bouche même me condamnerait ; serais-je innocent, elle me déclarerait pervers.

21Innocent ! Je le suis ; je ne tiens pas à l’existence, et la vie m’est à charge. 22Il m’importe[3] après tout ; c’est pourquoi j’ai dit : « Il fait périr également le juste et l’impie. » 23Si du moins le fléau tuait d’un seul coup ! Hélas ! il se rit[4] des épreuves de l’innocent ! 24La terre est livrée aux mains du méchant, Dieu voile la face de ses juges : si ce n’est pas lui, qui est-ce donc ?

25Mes jours sont plus rapides qu’un courrier, ils fuient sans avoir vu le bonheur ; 26ils passent comme la barque de jonc, comme l’aigle qui fond sur sa proie. 27Si je dis : « Je veux oublier ma plainte, quitter mon air triste, prendre un air joyeux, » 28je tremble pour toutes mes douleurs, je sais que tu ne me tiendras pas pour innocent. 29Je serai jugé coupable : pourquoi prendre une peine inutile ?

  1. IX, 9. Les régions du ciel austral, m. à m. les chambres du midi, peut-être quelque constellation particulière.
  2. 13. Les légions de l’orgueil, m. à m. les auxiliaires de Rahab. Peut-être allusion poétique à quelque croyance populaire, touchant la lutte du Créateur avec des êtres d’opposition.
  3. 22. Il n’importe, m. à m. c’est tout un.
  4. 23. Il se rit, il semble se rire des épreuves de l’innocent, lorsqu’il les laisse se prolonger. « Dans tout le livre, dit S. Jérôme, il n’y a rien de plus hardi que ce verset » ; c’est l’explosion d’une indicible souffrance. D’autres : Si le fléau envoyé de Dieu (peste, guerre ou famine) tue subitement des populations entières, Dieu semble se rire des innocents, confondus avec les coupables dans le châtiment.