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Chap. VI, 10.
Chap. VII, 1.
LIVRE DE JOB.

10Et qu’il me reste du moins cette consolation,
que j’en tressaille dans les maux dont il m’accable :[1]
de n’avoir jamais transgressé les commandements du Saint !
11Quelle est ma force, pour que j’attende ?
Quelle est la durée de mes jours, pour que j’aie patience ?
12Ma force est-elle la force des pierres,
et ma chair est-elle d’airain ?
13Ne suis-je pas dénué de tout secours,
et tout espoir de salut[2] ne m’est-il pas enlevé ?

14Le malheureux a droit à la pitié de son ami,
eût-il même abandonné[3] la crainte du Tout-Puissant.
15Mes frères ont été perfides comme le torrent,
comme l’eau des torrents qui s’écoulent.
16Les glaçons en troublent le cours,
la neige disparaît dans leurs flots.
17Au temps de la sécheresse, ils s’évanouissent ;
aux premières chaleurs, leur lit est desséché.
18Dans des sentiers divers leurs eaux se perdent,
elles s’évaporent dans les airs, et ils tarissent.[4]
19Les caravanes de Théma comptaient sur eux ;
les voyageurs de Saba espéraient en eux ;
20ils sont frustrés dans leur attente ;
arrivés sur leurs bords, ils restent confondus.
21Ainsi vous me manquez à cette heure ;[5]
à la vue de l’infortune, vous fuyez épouvantés.
22Vous ai-je dit : « Donnez-moi quelque chose,
faites-moi part de vos biens,
23délivrez-moi de la main de l’ennemi,
arrachez-moi de la main des brigands ? »

24Instruisez-moi, et je vous écouterai en silence ;
faites-moi voir en quoi j’ai failli.
25Qu’elles ont de force les paroles équitables !
Mais sur quoi tombe votre blâme ?
26Voulez-vous donc censurer des mots ?
Les discours échappés au désespoir sont la proie du vent.[6]
27Ah ! Vous jetez le filet sur un orphelin,
vous creusez un piège à votre ami ![7]
28Maintenant, daignez vous retourner vers moi,
et vous verrez si je vous mens en face.
29Revenez, ne soyez pas injustes ;
revenez, et mon innocence apparaîtra.
30Y a-t-il de l’iniquité sur ma langue,
ou bien mon palais[8] ne sait-il pas discerner le mal ?


La vie de l’homme sur la terre est un temps de service,[9]
et ses jours sont comme ceux du mercenaire.

  1. 10. Dans les maux dont il m’accable. M. à m. dans les maux alors qu’il n’a pas pitié.
  2. 13. Le salut ; Vulg., mes amis intimes.
  3. 14. Eût-il même abandonné, etc. Ou bien : autrement ils (les amis) abandonnent, ou, il (le malheureux) abandonne la crainte du Tout-Puissant.
  4. 18. D’autres : Les caravanes se détournent de leur route pour venir à ce torrent, mais le trouvant à sec, elles s’enfoncent dans le désert et périssent.
  5. 21. Ainsi vous me manquez à cette heure, m. à m. car maintenant vous n’êtes pas (kethib ; qerey, vous êtes pour lui). Avec une légère correction, on aurait ; Tels maintenant vous êtes pour moi.
  6. 26. Le Hir : … des mots, des paroles en l’air d’un désespéré. Dans le dernier membre, la Vulg. et les autres versions anciennes ont lu naschah, proférer, au lieu de noasch ; d’où ce sens : et vous proférez des paroles en l’air.
  7. 27. D’autres : Vous joueriez au sort sur un orphelin, et vous vendriez un ami.
  8. 30. Mon palais etc. Vulg., la folie ne parlera pas par ma bouche.
  9. VII, 1. Un temps de service, laborieux et pénible, où l’homme est engagé et, pour ainsi dire, enrôlé, comme un soldat. L’idée est celle de labeur pendant un temps déterminé, non celle de guerre ou de combat ; ce service fini, l’homme peut désirer le repos du tombeau. — LXX. une épreuve, ou un lieu d’épreuve, Vulg., un service militaire. Comp. I Tim. i, 18 ; II Tim. ii, 3 sv.