Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/1329

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6“Baltassar, chef des lettrés, comme je sais que l’esprit des dieux saints est en toi et qu’aucun mystère ne t’embarrasse, expose-moi les visions que j’ai vues en songe, et leur signification. 7Voici quelles étaient les visions de mon esprit sur ma couche : Je vis, et voici au milieu de la terre un arbre dont la hauteur était grande. 8L’arbre grandit et devint fort ; sa cime atteignait le ciel, et on le voyait des extrémités de toute la terre. 9Son feuillage était beau et ses fruits abondants, et il y avait sur lui de la nourriture pour tous ; sous son ombre les bêtes des champs s’abritaient, dans ses branches demeuraient les oiseaux du ciel, et de lui toute chair se nourrissait. 10Je contemplai ces visions de mon esprit sur ma couche, et voici qu’un veillant[1], un saint, descendait du ciel. 11Il cria avec force et parla ainsi : Abattez l’arbre et coupez ses branches ; secouez son feuillage et dispersez ses fruits ; que les animaux s’enfuient de dessous lui, et que les oiseaux quittent ses branches. 12Toutefois laissez en terre la souche de ses racines, mais dans des chaînes de fer et d’airain, au milieu du gazon des champs. Qu’il soit trempé de la rosée du ciel et qu’il partage avec les animaux l’herbe de la terre. 13Que son cœur ne soit plus un cœur d’homme, et qu’un cœur de bête lui soit donné, et que sept temps passent sur lui[2]. 14Cette sentence repose sur un décret des veillants, et cette affaire[3] est un ordre des saints, afin que les vivants sachent que le Très-Haut domine sur la royauté humaine, qu’il la donne à qui il veut, et qu’il y élève le plus humble des hommes. 15Tel est le songe que j’ai vu, moi, le roi Nabuchodonosor ; et toi, Baltassar, dis-en la signification, car tous les sages de mon royaume ne peuvent m’en faire savoir la signification ; mais toi, tu le peux, car l’esprit des dieux saints est en toi.”

16Alors Daniel, dont le nom est Baltassar, demeura quelque temps interdit[4], et ses pensées le troublaient. Le roi reprit et dit : “Que le songe et sa signification ne te troublent point !” Baltassar répondit en disant : “Mon seigneur, que le songe soit pour tes ennemis, et sa signification pour tes adversaires. 17L’arbre que tu as vu, qui grandit et devint fort, dont la cime atteignait au ciel et qu’on voyait de toute la terre ; 18dont le feuillage était beau et les fruits abondants ; où il y avait de la nourriture pour tous ; sous lequel s’abritaient les animaux des champs, et dans les branches duquel demeuraient les oiseaux du ciel, 19cet arbre, c’est toi, ô roi, qui es devenu grand et fort, dont la grandeur s’est accrue et a atteint au ciel, et dont la domination s’étend jusqu’aux extrémités de la terre. 20Si le roi a vu un veillant, un saint, descendant du ciel et disant : Abattez l’arbre et détruisez-le ; toutefois laissez en terre la souche de ses racines, mais dans des chaînes de fer et d’airain, au milieu du gazon des champs ; qu’il soit trempé de la rosée du ciel, et qu’il fasse sa part avec les animaux des champs, jusqu’à ce que sept temps aient passé sur lui : en voici la signification, ô roi ! 21C’est un décret du Très-Haut qui s’accomplira sur mon seigneur le roi : 22On te chassera du milieu des hommes, et ta demeure sera parmi les animaux des champs ; on te donnera, comme aux bœufs, de l’herbe à manger et on te laissera tremper par la rosée du ciel, et sept temps passeront sur toi, jusqu’à ce que tu saches que le Très-Haut domine sur la royauté des hommes et qu’il la donne à qui il lui plaît.[5] 23Et si on a ordonné de laisser la souche des racines de l’arbre, c’est que ta royauté te sera rendue quand tu auras reconnu que le ciel a la domination. 24C’est pourquoi, ô roi, que mon conseil soit agréé devant toi : rachète tes péchés par la justice et tes iniquités par la miséricorde envers les malheureux, si ta prospérité doit se prolonger encore.”

25Toutes ces choses arrivèrent au roi Nabuchodonosor. 26Au bout de douze mois, comme il se promenait sur les terrasses du palais royal de Babylone, 27le roi prit la parole et dit : “N’est-ce pas là Babylone la grande, que j’ai bâtie comme résidence royale par la puissance de ma force et pour la gloire de ma majesté.” 28La parole était encore dans la bouche du roi, qu’une voix descendit du ciel : “On te fait savoir, roi Nabuchodonosor,

  1. 10. Un veillant, un saint : expression employée en ce seul endroit de la Bible, mais qui figure souvent dans le livre apocryphe d’Henoch, pour désigner les anges de Dieu.
  2. 13. Que son cœur ne soit plus un cœur d’homme ; m. à m., que son cœur soit changé pour n’être plus un cœur d’homme. — Sept temps, sept périodes d’égale durée, années, mois ou semaines. Chez les Babyloniens comme chez les Hébreux, le nombre 7 avait un caractère sacré.
  3. 14. Cette affaire ; litt., cette demande.
  4. 16. Quelque temps ; litt., comme une heure. — Interdit, par la crainte de faire connaître la signification menaçante du songe.
  5. 22. La maladie dont il est question paraît être une espèce de démence, connue sous le nom de lycanthropie. Celui qui en est atteint se croit changé en un animal quelconque, et il en imite les cris, les mœurs, les attitudes. Les termes employés ici et vers. 32 indiquent que Nabuchodonosor se croyait métamorphosé en bœuf.