Page:La Sainte Bible, trad. Segond.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cations de Martin et d’Ostervald, c’étaient les notes et préfaces du premier, les arguments et réflexions du second. Si les éditions actuelles s’écartent d’une manière plus ou moins sensible de 1588, c’est l’ouvrage des reviseurs de reviseurs, et affaire de forme plus que de fond. Les différences qu’on observe entre Martin et Ostervald proviennent en partie de modifications assez nombreuses que le pasteur neuchâtelois introduisit dans l’édition (1744) qui précéda sa mort, avec le but d’adoucir certaines expressions, de rendre plus clair et de faire mieux aimer le Livre sacré.

Malgré l’immense succès de la version de 1588, succès qui se prolonge encore, nous venons de le dire, sous les noms de Martin et d’Ostervald, on éprouva de bonne heure à Genève le désir de l’améliorer. Mais la chose devenait impossible en face d’une opposition énergiquement dessinée parmi les fidèles : tout ce qui dépassait les limites d’une légère retouche ou d’un simple redressement de la langue était frappé de réprobation. Les ministres genevois n’étaient plus les maîtres de leur œuvre, bien qu’ils en sentissent les imperfections. Ainsi se passa quelque chose d’analogue à ce qui s’était passé pour la version des Septante. En 1721 seulement, sous l’influence de J.-A. Turretin, on prit courage, on travailla presque tout un siècle, et l’on mit au jour la version de 1805, la seconde et la dernière que publièrent collectivement les pasteurs et professeurs de l’Église de Genève.

Nous n’avons pas à entrer ici dans l’appréciation des qualités ou des défauts qui distinguent cette version : peut-être n’a-t-elle pas encore été impartialement jugée. C’est plus qu’une simple révision ; mais ce n’est pas, dans son ensemble, une traduction émanant en ligne directe du texte hébreu. Elle n’a pas eu le sort prospère de sa sœur aînée ; on l’a repoussée plutôt qu’accueillie ; les sociétés bibliques lui ont été défavorables ; et, quoique dès longtemps épuisée, elle n’a pas été réimprimée. La Compagnie des Pasteurs donna à une commission permanente le mandat de la revoir ; mais, après plusieurs années d’un travail dont les difficultés allaient croissant, la commission s’est dissoute, et la Compagnie ne l’a pas renouvelée.

Résumons. Toutes nos versions, unies entre elles par une étroite filiation, découlent de la Vulgate latine, reproduction en quelque mesure incertaine du travail primitif de Jérôme. Ainsi, les Églises réformées de langue française n’ont jamais possédé une traduction de la Bible, faite en entier sur les textes originaux. Les circonstances diverses qui ont pesé sur ces Églises, bien plus que le manque d’hommes capables, suffisent amplement pour donner l’explication de ce phénomène.