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copie de l’Apocalypse également récente, qu’on parvint à se procurer ailleurs. Les éditions qui suivirent, sauf des corrections typographiques, ne furent guère modifiées ; dans la quatrième, Erasme introduisit quelques variantes, tirées de la Bible polyglotte du cardinal Ximènes, publiée en 1520. Parurent ensuite les éditions de Robert Etienne à Paris, de Théodore de Bèze, et des Elzévirs célèbres imprimeurs hollandais. Toutes ces éditions, pour le fond, émanent de celles d’Érasme et en diffèrent peu. La première édition elzévirienne date de 1624, et n’a pas de préface ; mais, en tête d’une nouvelle édition de 1633, les éditeurs placent un avant-propos, où il est dit au lecteur : « Maintenant vous avez un texte reçu de tous, dans lequel nous ne donnons rien de changé ni de corrompu etc. » Cette hardiesse eut un plein succès ; l’expression texte reçu est restée, et ce texte a fait force de loi pendant cent cinquante ans, même jusqu’aujourd’hui pour ceux qui ignorent les travaux critiques des temps modernes ou qui s’en défient sans examen.

Il ne nous a pas été possible de fermer les yeux à la lumière, et, dans l’état actuel de la science, de partir de ce texte pour une nouvelle version du Nouveau Testament. Que faire ?

Au lieu du texte reçu, nous aurions pu suivre le manuscrit du Vatican ou celui du Sinaï, qui partagent le privilège de la plus grande ancienneté (milieu du quatrième siècle). Et, comme il existe déjà une excellente traduction du Vatican, — auquel manquent malheureusement les Epîtres à Timothée, à Tite, à Philémon, la fin de celle aux Hébreux, et l’Apocalypse, — nous aurions arrêté notre choix sur le manuscrit du Sinaï, non encore traduit, et qui seul renferme le Nouveau Testament dans son entier. De cette manière, laissant de côté tous les autres documents et faisant abstraction de notre jugement personnel, nous aurions mis à couvert notre propre responsabilité. Mais nous n’avons pu nous résigner à perdre le bénéfice de tant de découvertes précieuses, de tant de travaux consciencieusement exécutés, et à ne tenir aucun compte des résultats positifs acquis par la science moderne. Plutôt que de nous fixer à un texte unique, notoirement défectueux, quelle qu’en soit la valeur, nous avons préféré mettre à profit l’ensemble des ressources propres à nous faire obtenir l’expression la plus approximative du texte primitif. Il est vrai que cette marche entraîne avec elle quelque responsabilité. Mais une telle responsabilité ne saurait être légèrement taxée d’arbitraire dans le mauvais sens du mot, car il y a pour qui le veut des moyens de contrôle, et l’arbitraire proprement dit n’aurait ici rien à gagner. Au surplus, quand on prend la responsabilité d’interpréter la pensée des auteurs sacrés, comme le fait indispensablement tout traducteur, on a bien le droit d’adopter entre plusieurs variantes celles qui ont en leur faveur le plus d’autorités, et de repousser celles qui ne sont dues peut-être qu’à l’inadvertance d’un copiste. Du reste, comme on va le voir, la tâche n’est ni aussi difficile ni aussi périlleuse qu’on le supposerait tout d’abord.

Il est généralement admis que les plus anciens manuscrits sont ceux qui offrent le plus de garanties, les altérations se multipliant dans les copies de siècle en siècle. Or, en ne dépassant pas le dixième siècle, on ne compte guère que cinquante manuscrits, dont aucun n’est complet, excepté celui du Sinaï, et dont plusieurs ne contiennent que quelques versets ou des fragments plus ou moins longs. Cela réduit singulièrement le travail de comparaison. Ce n’est pas tout. Il n’est plus même besoin d’aller étudier les plus étendus et les principaux de ces manuscrits à Rome, à Pétersbourg, à Londres, à Cambridge, ou à Paris : tous ont été reproduits