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subsistance. Au commencement, en effet, ils avaient peu de bétail en comparaison de ce qu’il fallait pour nourrir tant de monde. Mais le bétail qu’il y avait s’en allait sans gardien, pendant tout l’hiver, paître dans les forêts. Skallagrim était un habile constructeur de bateaux. Le bois flotté ne manquait pas dans l’ouest, sur la côte des Myrar[1]. Il se fit bâtir une ferme à Alptanes et eut ainsi une seconde habitation. De là il partit pour pratiquer la pêche et la chasse au phoque et pour chercher des œufs. Tous ces vivres s’y trouvaient en quantité suffisante. D’autre part, il recueillit le bois que la mer apportait. Il y avait là aussi de grandes baleines que l’on pouvait harponner à son gré. Tous ces animaux se tenaient tranquillement dans des endroits propices à la pêche et se laissaient approcher sans difficulté. Skallagrim se construisit une troisième habitation sur le bord de la mer, dans l’ouest des Myrar. Cet endroit convenait mieux encore pour la pêche du bois flotté ; il y fit défricher un terrain de culture et appela ce lieu Akrar. En face il y avait des îles où l’on trouva une baleine, et on les appela Hvalseyjar. Il envoya aussi ses hommes dans l’intérieur pour pêcher le saumon et installa Odd le Solitaire sur les bords de la Gljufra pour y surveiller la pêche. Odd se fixa sous Einbuabrekkur et donna son nom à Einbuanes. Sur les bords de la Nordra Skallagrim établit un homme du nom de Sigmund, qui se fixa dans un endroit appelé dès lors Sigmundarstad et portant aujourd’hui le nom de Haugar ; et c’est de lui que Sigmundarnes tient son nom. Dans la suite il transféra sa demeure à Munodarnes qui lui semblait mieux situé pour la pêche du saumon. Le bétail de Skallagrim, s’étant considérablement multiplié, se répandit durant l’été dans les montagnes. On observa cette grande

  1. Le bois des maigres « forêts » du pays — car, quoi qu’en puissent faire croire les sagas, il n’y a jamais eu en Islande des forêts dignes de ce nom — ne pouvait suffire pour les constructions. On se servait en majeure partie de bois provenant de Norvège, mais on utilisait aussi, dans une large mesure, le bois flotté que le Gulfstream et le courant polaire charriaient jusque sur les côtes d’Islande. De nos jours encore on y recueille l’acajou et le calcédrat arrachés aux rivages d’Amérique, ainsi que des conifères et des bouleaux de grande taille entraînés du nord de la Russie et de la Sibérie.