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forces. La nuit était assez claire pour naviguer. Dans la soirée, après le coucher du soleil, ils arrivèrent à Sandnes où ils aperçurent, flottant devant la ferme, un vaste bateau garni de tentes. Ils le reconnurent comme appartenant à Thorolf. Celui-ci l’avait fait construire dans l’intention de quitter le pays ; il avait déjà fait brasser la bière du départ[1].

Le roi ordonna à tous ses guerriers de descendre du bateau. Il fit lever son étendard et l’on s’achemina aussitôt vers la ferme. Les hommes de garde de Thorolf étaient en train de boire à l’intérieur et n’avaient pas occupé leur poste d’observation. Il n’y avait personne au dehors ; toute la troupe était assise à l’intérieur et buvait. Le roi fit cerner la halle par ses gens ; ensuite on poussa le cri de guerre et le cor royal sonna l’alarme. En entendant cet appel, Thorolf et les siens coururent aux armes, car l’équipement de chaque homme pendait au-dessus de la place qu’il occupait. À l’entrée de la salle, le roi fit faire proclamation pour inviter les femmes, les enfants, les vieillards, les domestiques et les serfs à sortir[2]. Alors Sigrid, la maîtresse de la maison, sortit avec les femmes qui se trouvaient dans l’habitation et avec les autres personnes à qui l’on permit de s’en aller. Ensuite Sigrid demanda si les fils de Berdlu-Kari étaient présents. Les deux frères s’avancèrent demandant ce qu’elle avait à leur dire. « Accompagnez-moi jusqu’auprès du roi ! » dit-elle. C’est ce qu’ils firent. Arrivée devant le roi, elle demanda : « Y a-t-il quelque chose qui puisse amener une réconciliation, seigneur, entre vous et Thorolf ? » Le roi répondit : « Si Thorolf consent à se rendre et à se mettre en mon pouvoir pour obtenir grâce, il aura la vie et les membres saufs ; mais ses hommes subiront le châtiment qu’ils ont encouru. »

Sur ces mots, Ölvir Hnufa s’approcha de la salle et fit appeler Thorolf pour lui parler et lui faire connaître les conditions imposées par le roi. Thorolf répondit : « Je n’accepte pas de la

  1. Cette « bière du voyage » était bue avant le départ pour un lointain voyage. La consommation de la bière, comme on sait, jouait un grand rôle dans la vie économique et les relations sociales.
  2. Suivant la coutume qui voulait que les personnes inaptes à se battre ou qui n’avaient pas qualité pour le faire, fussent à l’abri de tout danger.