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Thorolf aussi apprêta un banquet en l’honneur du roi et y consacra de grands frais. L’époque de la visite du roi avait été fixée de commun accord. Thorolf invita une foule de convives, parmi lesquels toute l’élite de ses hommes, dans la mesure du possible. Le roi arriva au festin avec une escorte d’environ trois cents hommes. Thorolf, de son côté, en avait auparavant réuni cinq cents. Il avait fait aménager une grande halle aux grains qui se trouvait là ; il y avait fait placer des bancs, et c’est là qu’il offrit à boire, attendu qu’aucune autre salle n’était suffisamment grande pour contenir pareille affluence. Sur tout le pourtour de la halle des boucliers se trouvaient accrochés aux parois. Le roi prit place sur le haut siège[1]. Quand tout fut occupé, aussi bien les places intérieures que les rangées de devant, il promena les regards autour de lui et rougit sans dire mot, et l’on crut s’apercevoir qu’il était en colère. Le banquet fut des plus splendides et la réception, dans son ensemble, excellente. Le roi, bien qu’un peu contrarié, y resta trois nuits, comme il était convenu. Au jour fixé pour le départ, Thorolf s’avança vers lui et l’invita à descendre en sa compagnie jusqu’au rivage. Le roi y consentit. Là flottait près du bord, muni de tentures et de tous ses agrès, le « dragon » que Thorolf avait fait construire. Thorolf en fit don au roi, le priant d’apprécier les choses d’après les raisons qui l’avaient fait agir ; il dit qu’il n’avait convoqué une pareille masse d’hommes que dans le but d’honorer le roi et nullement en vue de rivaliser avec lui. Le roi accueillit de bonne grâce les paroles de Thorolf et se montra dès lors aimable et de joyeuse humeur. De nombreux invités y joignirent une bonne parole pour dire — comme c’était vrai — que le banquet avait été

    l’obligation de la veizla, c’est-à-dire la remise d’un tribut en argent ou en nature. Quand le roi visitait les diverses régions, les vassaux, grands propriétaires et administrateurs devaient lui offrir un banquet. Ainsi se fait-il que les rapports de ces dignitaires et notables avec la royauté se traduisaient par l’organisation de ces nombreux et somptueux festins dont parlent les sagas. Les veizlur, de ce fait, ont pris le sens plus étroit de banquets.

  1. Au centre de la stofa, entre les places surélevées, disposées le long des parois latérales, se dressaient deux sièges d’honneur réservés, l’un au maître de la maison, l’autre au convive à qui l’on devait une estime spéciale ou une considération exceptionnelle. (Cf. p. 13, n. 3.)