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à son père. Björgolf à cette époque était vieux et sa femme était morte. Il avait remis entre les mains de son fils toute l’administration de ses biens et s’était occupé à lui trouver une épouse. Brynjolf épousa Helga, fille de Ketil de Hrafnista. Bard est le nom de leur fils. Celui-ci fut de bonne heure grand et beau de figure ; c’était, dans toute la force du terme, un homme accompli.

En automne il y eut un jour, à Torgar, un festin auquel prirent part de nombreux convives. Björgolf et son fils étaient les personnages les plus éminents du banquet. Ainsi que le voulait l’usage, le sort décida quelles personnes, au soir, prendraient place deux à deux l’une auprès de l’autre[1]. Au festin il y avait un homme du nom de Högni. Il possédait une ferme à Leka. C’était un personnage très riche, entre tous le plus beau d’aspect, intelligent et de naissance modeste. Il s’était élevé par ses propres moyens. Il avait une fille très belle du nom de Hildirid. Le sort voulut qu’elle prît place à côté de Björgolf. Pendant la soirée ils causèrent beaucoup ensemble. La belle jeune fille plut à Björgolf. Peu après le banquet prit fin.

Ce même automne, le vieux Björgolf quitta son domaine dans un « scute[2] » qui lui appartenait. Il avait trente hommes avec lui. On arriva à Leka. Vingt hommes se dirigèrent vers l’habitation ; dix surveillaient le bateau. À leur arrivée dans la ferme, Högni se porta à leur rencontre, les accueillit bien et offrit l’hospitalité à Björgolf et à ses compagnons de voyage. Celui-ci accepta, et ils entrèrent dans l’appartement[3]. Quand

  1. Suivant une très ancienne coutume, l’homme et la femme, désignés par le sort, buvaient à tour de rôle dans la même corne. La maîtresse de maison ou sa fille, parfois la servante, versait à boire et dès leur jeunesse les femmes prenaient part aux libations. Dans les réunions où il n’y avait pas de femmes, la corne passait de main en main. Souvent deux convives buvaient dans la même corne ; quelquefois l’un d’eux devait la vider à lui seul. Boire était une des distractions favorites des anciens Normands qui, sous ce rapport, ne reculaient pas devant les pires excès.
  2. Le « scute » était un bateau léger et rapide servant surtout aux explorations côtières, rarement comme barque de pêche ou de transport.
  3. Isl. stofa (all. Stube). C’était la place où la famille se tenait habituellement. Elle servait de chambre de travail et de salle à manger, et était divisée par des piliers de bois en plusieurs compartiments. C’est là