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ordinaire d’expressions typiques et dans cette étonnante variété de locutions ingénieuses.

Ces strophes n’ont pas toujours pour auteur le personnage qui est censé les improviser. La saga d’Egil en renferme soixante-deux dont un bon nombre, mises dans la bouche d’Egil, ne sont certainement pas de lui. Plusieurs sont dues à l’écrivain même qui a donné aux récits leur forme définitive. Elles trahissent, du reste, parfaitement le ton et la manière de Snorri Sturluson.

Les trois grands poèmes d’Egil, que nous avons jugé à propos d’intercaler à la place qui leur revient logiquement, ne font pas partie de la rédaction primitive de la saga. Seules, la première strophe du Sonatorrek et la première du chant d’Arinbjörn y ont été accueillies. Le Höfudlausn qui figure au chapitre 60, comprend vingt strophes, dont cinq formant l’introduction et cinq servant de conclusion. Le restant se présente en groupes de deux strophes précédées chacune d’un refrain (stef). Chaque strophe se compose de huit vers basés à la fois sur l’allitération et la rime, à l’exception des refrains qui n’ont que quatre vers. Les strophes du Sonatorrek, au chapitre 78, offrent un mélange arbitraire de vers de trois ou de quatre syllabes. Ici, il n’y a ni rime, ni assonance, ni allitération. « Jamais, dit Finnur Jónsson, la douleur d’un cœur de père n’a trouvé une expression plus passionnée ni plus mélancolique que dans ce poème. » L’Arinbjarnarkvida, chapitre 78, ne nous est parvenu qu’à l’état fragmentaire. Il présente la même structure que le précédent et, dans le développement des idées, une continuité qui se rencontre rarement dans la poésie des scaldes.

La langue française est impuissante à rendre d’une manière adéquate les nuances et l’impression de l’original. Toute tentative de traduction textuelle n’aurait d’autre résultat que de faire perdre à ces nombreuses métaphores et à cette singulière combinaison de mots et d’idées la saveur et l’énergie qui caractérisent ce langage ; la strophe ne conserverait ni forme ni signification. Parmi ces assemblages de termes alambiqués, il s’en trouve qui ne sont que des clichés. Mais toutes ces expressions