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trouvent les limites qui séparent Borg et Anabrekka ; elles sont déterminées par le Hafslök. Ce n’est donc pas, Steinar, par ignorance de la situation que tu as fait paître sur les terres de Thorstein ; tu as accaparé sa propriété dans la pensée qu’il serait assez dégénéré pour se laisser dépouiller par toi. En effet, Steinar, et toi, Önund, vous pourriez savoir qu’Ani tient ce terrain de Grim, mon père. Thorstein a donc tué deux de tes domestiques. Or, il n’est personne qui ne comprenne clairement qu’ils ont péri par leur propre faute et qu’il n’y a pas lieu de réclamer une compensation. Bien plus, aucun dédommagement ne serait dû, même s’ils avaient été hommes libres. D’autre part, il est établi que toi, Steinar, tu as médité de dépouiller mon fils Thorstein de sa propriété, que je lui ai transmise de plein gré après en avoir hérité de mon père ; pour ce motif, tu abandonneras tes terres d’Anabrekka sans obtenir aucune indemnité. En conséquence, tu ne posséderas ni habitation, ni lieu de séjour dans ce district, au sud de la Langa ; tu quitteras Anabrekka avant que soient écoulés les jours de migration[1] » ; passé ce délai, tu pourras être tué impunément par tous ceux qui veulent soutenir le parti de Thorstein, si tu refuses de t’en aller ou d’observer l’une ou l’autre des conditions que je viens de t’imposer. »

Quand Egil se fut assis, Thorstein cita des témoins pour confirmer ses droits.

Alors Önund Sjoni dit : « Les gens diront sans aucun doute, Egil, que la décision que tu viens de prendre et de proclamer, est très injuste. Pour ce qui me concerne personnellement, je dois te dire que je me suis employé de tout mon pouvoir pour prévenir les dissensions en question ; mais, dès aujourd’hui, je serai sans ménagement et je ferai tout pour nuire à Thorstein. »

« Mon avis est, » conclut Egil, « que votre sort à tous deux sera d’autant plus malheureux que notre désaccord se prolongera davantage. Je pensais, Önund, que tu n’étais pas sans savoir

  1. Les domestiques qui désiraient changer de maître, ou les fermiers qui voulaient renoncer à leur location, étaient tenus, sous peine d’amende, d’opérer leur déplacement les derniers jours de la septième semaine de l’été (qui commençait vers la mi-avril), un mois environ avant l’ouverture de l’Althing ; ces « jours de migration » tombaient donc dans la première quinzaine de juin, d’après le calendrier grégorien.