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« Tu m’as l’air disposé, Thrand, » dit Steinar, « à ne pas faire grand cas de la dignité de godi[1] dont est revêtu Thorstein, quand vous vous rencontrerez face à face[2] ».

Thrand répondit : « Je ne me connais aucune obligation envers Thorstein ; mais je crois deviner quelle besogne tu viens de m’imposer. Tu penses que, tel que je suis, tu n’as pas grand risque à courir. Cependant, quoi qu’il arrive, ce me semble une bonne affaire que de me mesurer avec Thorstein. »

Thrand se chargea donc de la garde du troupeau. Il ne fut pas longtemps sans reconnaître en quel endroit Steinar avait fait paître son bétail, et il tint son troupeau dans le Staksmyr. Thorstein, s’en apercevant, envoya un de ses domestiques auprès de Thrand, avec ordre de lui faire observer les limites des deux propriétés. Le domestique alla trouver Thrand, lui fit savoir pour quelles raisons il venait et l’invita à mener ses bêtes en d’autres lieux, ajoutant que le terrain sur lequel s’était avancé le troupeau, appartenait à Thorstein, fils d’Egil.

Thrand repartit : « Je ne me préoccupe absolument pas de savoir à qui est le terrain ; je tiendrai le troupeau là où le pâturage me paraît le meilleur. »

Sur ces mots, ils se quittèrent. Le domestique revint à la maison et rapporta à Thorstein la réponse de l’esclave. Thorstein se tint coi alors ; mais Thrand eut soin de veiller nuit et jour sur son bétail.

81.

Thrand est tué. Steinar intente à Thorstein un procès au tribunal du Gulathing.

Un matin, Thorstein quitta son lit au lever du soleil et monta sur la butte. Remarquant l’endroit où se trouvait le bétail de

  1. Isl. godord : 1o dignité dont est revêtu un godi ; 2o circonscription sur laquelle il exerce son pouvoir. À l’origine, le godi ou hofgodi ne possédait qu’un pouvoir purement sacerdotal ; il présidait au temple (hof) et aux sacrifices. En Islande, il s’adjoignit de bonne heure la direction des affaires temporelles.
  2. Provocation directe au meurtre.