Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/263

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 233 —

Et il continua son chant :

Je rendrai visite au jarl qui a le courage
D’augmenter, par les épées, la pâture du loup.
Je m’embarquerai sur le bateau à rames
De Sigvald[1], dont le bouclier est peint sur les bords.
Ce manieur de l’épée ne me repousse point,
Quand je vais le trouver.
Je porte mon bouclier
Au dehors, sur le coursier des flots.

Le jarl ne voulut pas qu’Einar partît. Il écouta sa poésie et lui fit cadeau d’un bouclier. C’était un superbe joyau, sur lequel étaient gravées des scènes de récits des anciens temps ; et dans ces reproductions se trouvaient incrustées des boucles d’or serties de pierres précieuses. Einar gagna l’Islande pour rendre visite à son frère Osvif. En automne, il partit à cheval dans la direction de l’est et arriva à Borg, où il reçut l’hospitalité. Egil en ce moment n’était pas à la maison ; il était allé dans le nord du district et l’on espérait le voir rentrer sous peu. Einar l’attendit trois nuits. Il n’était pas dans les traditions de rester plus de trois nuits chez des connaissances. Einar se disposa donc à repartir. Quand il fut prêt, il entra dans la chambre d’Egil et y suspendit le précieux bouclier en disant aux personnes de la maison qu’il en faisait cadeau à Egil. Là-dessus, il monta à cheval et partit. Mais, ce même jour, Egil revint à la maison. En entrant dans sa chambre, il aperçut le bouclier et demanda à qui appartenait ce joyau. On lui dit qu’Einar Skalaglam était venu et qu’il lui avait fait cadeau du bouclier.

Alors Egil dit : « Ah ! le plus misérable des hommes ! S’imagine-t-il que je vais veiller, et célébrer son bouclier dans des vers ? Amenez mon cheval. Je vais le poursuivre et le tuer[2]. »

On lui dit alors qu’Einar était parti le matin de bonne heure. « En ce moment, il est sans doute arrivé à l’ouest, dans les Dalir ».

  1. Sigvald était le chef des fameuses troupes danoises connues sous le nom de Jomsvikingar (établies dans l’île de Wollin, à l’embouchure de l’Oder) et qui s’illustrèrent dans leur campagne contre la Norvège et le jarl Hakon (986).
  2. Langage ironique.