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à la vie politique et sociale, aux mœurs et institutions des régions qu’ils visitaient. D’accord sur ce point avec le Dr Olsen, de Reykjavik, M. Bley, dans ses Eigla-Studien, énumère des raisons multiples tendant à attribuer la saga d’Egil à Snorri Sturluson[1]. S’il en est ainsi, l’histoire d’Egil vient ajouter un nouveau et brillant fleuron à sa couronne de poète et d’historien. Toutefois, des raisons plausibles, basées principalement sur les qualités du style, l’exposé méthodique des faits et le développement harmonieux des épisodes, nous permettent de croire que, en tout état de cause, Snorri n’a pas eu le temps d’achever son œuvre. Les derniers chapitres paraissent dus à quelque écrivain de second ordre.

Les strophes scaldiques disséminées à travers le livre offrent, d’un côté, une accumulation de périphrases étranges et obscures, et, d’autre part, un enchevêtrement arbitraire de mots et d’idées dont il est toujours malaisé, parfois impossible de dégager la signification précise. Pour le scalde, le souci de la complication métrique prime tout. À l’encontre de la poésie saine et naturelle,

  1. Snorri Sturluson est le plus grand historien de l’Islande ancienne. Il est né en 1178, appartenait à l’illustre famille des Sturlungar et comptait le scalde Egil Skallagrimsson parmi ses ancêtres. Il reçut la première éducation à la célèbre école islandaise d’Oddi, où avait vécu Sämund Sigfusson le Savant (1056-1133). Grâce à l’influence que lui valut sa grande fortune, grâce aussi à ses éminentes qualités d’homme politique, il parvint à s’élever aux plus hautes dignités dans sa patrie. Ses talents de poète et d’écrivain étaient hautement appréciés. Il était comblé d’honneurs à la cour des rois et des grands seigneurs de Norvège. À son retour en Islande, sa puissance s’accrut encore. Mais bientôt de sanglantes querelles surgirent dans les puissantes familles d’Oddi et de Haukadal. Snorri, qui y prit une part active, mourut de mort violente en 1241. Sa haute culture intellectuelle, ses vastes conceptions littéraires et politiques, ses productions poétiques et historiques ont fait de lui non seulement le plus célèbre écrivain d’Islande, mais une des personnalités les plus remarquables de son temps. Nous lui devons notamment le Háttatal (énumération de mètres) dans lequel il emploie jusque cent formes de vers différentes, le Gylfaginning (tentation du roi Gylfi), traité en prose de la vieille mythologie du Nord, et surtout le Heimskringla (orbis terrarum) dans lequel, sous forme de biographies de rois, il développe toute l’histoire du peuple norvégien jusqu’en 1177.