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« Très nuisible, » dit-elle. « Veux-tu en manger ? »

« Pourquoi m’en abstiendrais-je ? » fut la réponse.

Un instant plus tard, elle appela et se fit donner à boire. On lui apporta de l’eau.

« Voilà ce qui arrive, » dit alors Egil, « quand on mange du varec, la soif s’en accroît. »

« Veux-tu boire, mon père ? » demanda-t-elle.

Il consentit et absorba à grands traits le contenu d’une corne d’animal.

Alors Thorgerd dit : « Voilà que nous sommes trompés ; c’est du lait, cela. »

Sur ces mots, Egil mordit dans la corne, l’ébrécha sur toute la largeur que ses dents pouvaient atteindre et la lança au loin.

« Quelle résolution, » repartit Thorgerd, « allons-nous prendre maintenant ? Ce projet-ci est anéanti. Je voudrais, père, que nous prolongions notre vie assez pour que tu puisses composer un chant funèbre sur Bödvar. De mon côté, je taillerai des runes dans du bois. Ensuite, mourons, si tel est notre désir. Ton fils Thorstein, je pense, tardera à composer un chant pour Bödvar, et il ne sied guère que nous négligions de faire un festin funéraire, parce que nous n’assisterons pas, j’imagine, au régal organisé après sa mort. »

Egil déclara qu’on ne pouvait guère espérer de lui qu’il fût à même de composer un poème, quand même il tenterait la chose. « Quoi qu’il en soit, je puis essayer, » ajouta-t-il.

Egil avait eu un fils du nom de Gunnar. Celui-ci aussi était mort peu auparavant. Voici le poème en question :

SONATORREK
(Perte irréparable des fils.)

I.Il m’est bien pénible
De délier la langue,
Pour obéir à l’impulsion
De l’inspiration poétique.
Médiocres sont mes dispositions
Pour la poésie.
Il n’est pas facile de la faire surgir
Des profonds replis de l’âme.