Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 200 —

dante salive, il lui cracha dans la figure, dans les yeux, le nez et la bouche. La salive découla de la poitrine, et Armod faillit suffoquer. Lorsqu’il parvint à reprendre haleine, il se mit à cracher à son tour. Tous ceux, parmi les gens de la maison d’Armod, qui assistaient à la scène, s’écrièrent qu’Egil était le plus misérable des hommes, qu’il était un fort vilain personnage pour cette raison qu’il ne sortait pas lorsqu’il avait envie de cracher, mais causait du scandale dans la pièce même où l’on buvait.

Egil dit : « Il n’y a pas lieu de me blâmer à ce sujet ; je ne fais qu’imiter le propriétaire, qui crache de toutes ses forces, et non moins que moi. »

Sur ces mots, il retourna à sa place, s’assit et demanda qu’on lui donnât à boire. Ensuite, il dit à haute voix :

Je me réjouis de montrer ce que tu m’as offert à manger.
Par le jus que ma bouche a vomi,
J’apporte l’irrécusable témoignage
Que j’ai eu l’audace de faire ce voyage.
Maint convive, pour payer l’hospitalité,
Choisit un meilleur dédommagement.
Nous ne nous rencontrerons plus guère.
La lie de la bière gît dans la barbe d’Armod.

Armod se leva précipitamment et sortit, pendant qu’Egil demandait qu’on lui servît à boire. Alors la maîtresse de maison, s’adressant à l’homme qui avait fait l’office d’échanson durant la soirée, lui dit d’apporter de la boisson de manière que l’on n’en manquât point aussi longtemps qu’on voudrait boire. Il prit donc une vaste corne qu’il remplit et la porta à Egil. Egil vida la corne d’un trait et dit :

Je vide chaque corne pleine,
Bien que sans relâche
L’homme apporte au poète
La bière en masse.
Je ne laisse rien au fond,
Quand même on me servirait
Jusqu’au lendemain.
Le jus de malt dans la corne.

Egil but quelque temps encore, vidant chaque corne qu’on lui