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là dans la place. Sa mère l’appela auprès d’elle et lui parla à l’oreille. Là-dessus, la jeune fille s’avança jusque devant la table où Egil avait pris place. Elle dit :

Voici pourquoi ma mère
Vient de m’envoyer auprès de toi :
Je dois rapporter à Egil ces paroles,
Pour que vous soyez sur vos gardes.
La femme qui fait circuler la corne a dit :
Dispose ton estomac en conséquence ;
Nos convives incessamment
Recevront de meilleurs aliments.

Armod voulut frapper l’enfant et lui commanda de se taire. « Tu dis toujours ce qui sied le plus mal. »

La jeune fille s’éloigna, tandis qu’Egil déposait le vase au lait, qui était presque vide. Ensuite, les récipients furent emportés, les habitués de la maison allèrent occuper leurs sièges, on installa des tables à travers toute la salle et l’on servit un repas. Tout d’abord, on apporta des morceaux de viande qui furent présentés à Egil comme aux autres convives. Tout de suite après, on versa de la bière. C’était une boisson excessivement forte. Aussitôt, l’on se mit à boire isolément ; chacun devait vider la corne à part. On montra pour Egil et ses amis la plus grande prévenance pour les inciter à boire abondamment. Egil, d’abord, but longtemps à pleines gorgées, et lorsque ses camarades furent impuissants à continuer, il but à leur place ce qu’ils ne savaient plus boire. Au bout d’un certain temps, les tables furent enlevées. Finalement, tous les convives se trouvaient être complètement ivres. Chaque fois qu’Armod buvait, il disait : « Je bois à ta santé, Egil ! » Les gens de la maison, de leur côté, portèrent la santé des camarades d’Egil, en usant des mêmes termes. Un homme était spécialement chargé de présenter les cornes pleines à Egil et aux siens, et les encourageait instamment à boire vite. Egil, parlant à ses amis, leur recommanda de ne pas boire, et lui-même but ce qu’ils n’étaient plus à même d’absorber. Bientôt, il trouva qu’en agissant de la sorte il allait éprouver du malaise. Il se leva et, traversant l’appartement, il s’approcha du siège occupé par Armod ; des mains, il le saisit aux épaules et le serra contre la traverse du dossier ; puis, expectorant une abon-