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Sur ces paroles du roi, Egil s’avança au-devant de lui et se mit à réciter le poème. Il parla à voix haute, et aussitôt l’on fit silence.

HÖFUDLAUSN
(Rachat de la tête).

I.Je m’en allais par mer du côté de l’ouest[1],
Mais j’emportais avec moi
La mer de la poitrine d’Odin[2].
Voilà où en est ma situation.
J’ai poussé sur les flots mon bateau de chêne
À l’époque où la glace se rompit[3].
J’ai chargé sur la poupe de la barque de mon âme[4]
La part qui m’est échue en fait de poésie[5].

II.Le roi m’a offert l’hospitalité ;
Il est donc de mon devoir de le glorifier.
Ce qu’Odin m’a inspiré[6], je l’apporte
Sur la terre des Angles.
J’ai su proclamer la louange du seigneur,
Et certes je le couvre de gloire.
Je demande qu’il prête l’oreille,
Car c’est un panégyrique que j’ai composé.

III.Observe bien, ô prince,
Il convient qu’il en soit ainsi,
Comment je vais déclamer mon chant,
Si j’obtiens que l’on m’écoute.
La plupart des gens ont entendu dire
Ce que le chef d’armée a accompli ;
Mais Odin a vu
Où gisaient les cadavres des guerriers[7].

  1. C’est-à-dire en Angleterre.
  2. L’hydromel, breuvage du scalde ; le chant inspiré par Odin.
  3. Au printemps.
  4. La barque de l’âme, c’est la poitrine considérée comme le siège de l’inspiration.
  5. Le chant, sa part des faveurs d’Odin. Egil veut dire qu’il a fixé le poème dans sa mémoire.
  6. Le poème.
  7. Odin accueillait au Walhalla les guerriers tombés sur le champ de bataille.