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Aldi. C’était à l’écart de la grande voie de navigation. Là vivaient des pêcheurs, et l’on y trouvait facilement l’occasion de savoir ce qui se passait. Ayant appris que le roi l’avait déclaré proscrit, Egil dit ces vers :

Le violateur des lois lui-même
M’a condamné à de longs détours.
La femme du guerrier
Est l’instigatrice du fratricide[1].
C’est à Gunnhild que je dois cet exil.
Terribles sont ses dispositions.
Encore une fois, je h’ésiterai point
Et je prendrai ma revanche de sa mauvaise foi.

Le temps était calme. La nuit, le vent soufflait des montagnes ; pendant le jour, c’était la brise de mer. Un soir, Egil mit à la voile et prit le large, tandis que les pêcheurs, qui avaient été chargés d’épier les allées et venues d’Egil, regagnaient à la rame l’intérieur des terres. Ils en savaient assez pour dire qu’Egil avait quitté la côte pour prendre la haute mer et qu’il se trouvait au loin. Ils firent parvenir cette information à Bergönund. Mis au courant de ces faits, celui-ci congédia tous ceux que, par mesure de précaution, il avait réunis jadis autour de lui. Il pénétra jusqu’à Alrekstad et fit venir Frodi auprès de lui, car il avait dans sa demeure beaucoup de bière. Frodi se rendit à l’invitation et emmena quelques hommes avec lui. Ils organisèrent de brillants festins et furent d’humeur fort joyeuse. Il n’existait plus aucun sujet de crainte.

Rögnvald, le fils du roi, possédait un petit bateau monté par six rameurs et peint jusqu’à la ligne de flottaison. Il avait avec lui dix ou douze compagnons qui ne le quittaient jamais. Dès que Frodi fut parti, Rögnvald monta à bord du petit bateau et se dirigea, avec onze de ses hommes, sur Herdla, une vaste métairie royale administrée par un personnage du nom de Skeggthorir. C’est là que Rögnvald avait été élevé pendant son enfance. Thorir accueillit amicalement le fils du roi, et l’on ne se fit pas faute de boire copieusement.

  1. Eirik avait fait périr plusieurs de ses frères. De là, du reste, son surnom de Blodöx (hache ensanglantée).