Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 146 —

côte. C’était le vaisseau du roi Eirik. Comme tout cela s’était fait précipitamment et qu’il faisait à peine jour, les bateaux s’abordèrent, et, dès que les parties surélevées se trouvèrent face à face, Egil brandit sa lance et frappa en pleine poitrine l’homme qui était assis au gouvernail. C’était Ketil Haud. Aussitôt, le roi donna l’alarme et ordonna de poursuivre Egil. Au moment où les vaisseaux du roi et le bateau de commerce glissaient côte à côte, les hommes d’Eirik se précipitèrent sur ce dernier, et ceux des compagnons d’Egil qui étaient restés en arrière pour ne pas avoir sauté dans le « scute », furent tués tous, à mesure qu’on les atteignait. Quelques-uns gagnèrent le rivage. Dix hommes de l’entourage d’Egil y trouvèrent la mort. Quelques vaisseaux donnèrent la chasse à Egil ; d’autre part, on pilla le bateau de commerce. On emporta tout ce qui se trouvait à bord et l’on brûla le bateau. Quant à ceux qui poursuivaient Egil, ils y mirent tous leurs efforts, deux hommes manœuvrant chaque rame. Il ne leur manquait pas de personnel à bord, alors qu’Egil n’avait qu’un équipage réduit. Ils étaient alors dix-huit dans le « scute ». La distance entre les adversaires diminuait. Plus loin, enserré entre plusieurs îles, il y avait un passage guéable sans grande profondeur. C’était au moment de la marée basse. Egil et les siens poussèrent leur embarcation dans ce détroit peu profond. Mais les voiliers ne pouvaient y pénétrer, et là les ennemis se séparèrent. Le roi rebroussa chemin dans la direction du sud, tandis qu’Egil se porta vers le nord pour rejoindre Arinbjörn. Alors Egil dit cette strophe :

Le vigoureux guerrier
Vient d’abattre
Dix hommes de notre troupe.
Moi, j’ai échappé au désastre.
La lance épaisse,
Envoyée par ma main,
S’enfonça au beau milieu
Des côtes courbées de Ketil.

Egil, rencontrant Arinbjörn, lui raconta ce qui venait de se passer. Arinbjörn avoua qu’il ne s’attendait à rien de meilleur à propos de ses démêlés avec le roi Eirik. « Toutefois, tu ne seras privé de rien, Egil ; je remplacerai ton bateau et t’en donnerai