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juges[1]. Les juges consentirent à recevoir leurs serments, pourvu que le roi ne fasse pas opposition. Le roi déclara qu’il ne voulait pas y intervenir, soit en le permettant, soit en l’interdisant[2]. Alors Gunnhild, la reine, prit la parole et dit : « Je m’étonne, ô roi, que tu laisses Egil, ce grand personnage[3], compliquer toutes les affaires qui te sont soumises. Tu ne trouverais rien à lui objecter, j’imagine, quand même il te réclamerait l’autorité royale ? Mais, si même tu refuses de donner un avis qui soit à l’avantage d’Önund, je ne tolérerai néanmoins pas qu’Egil foule ainsi aux pieds mes amis et qu’il dépouille injustement Önund de son bien. Où es-tu donc, Askmad[4] ? Vas occuper, avec ta suite, la place où siègent les juges et ne souffre pas que l’on commette une pareille injustice ! »

Sur ces mots, Askmad et les gens de son entourage firent irruption dans l’enceinte, rompirent le « Vebönd », renversèrent les piquets et expulsèrent le tribunal[5]. Il se produisit alors un grand tumulte au thing ; mais les assistants étaient tous sans armes.

Alors Egil s’écria : « Est-ce que Bergönund écoutera ce que je vais dire ? »

« J’écoute, » dit celui-ci.

« Je te provoque donc en duel, » reprit Egil, « et nous nous battrons ici, au thing ; celui-là aura les propriétés en question, terres et biens meubles, qui restera vainqueur. Si tu n’oses point, tout le monde aura le droit de te proclamer infâme[6] ».

  1. La convention qu’Arinbjörn voulait faire confirmer par des témoins assermentés, c’était la validation du mariage de Björn avec sa première femme Thora et par suite la légitimation de la naissance d’Asgerd.
  2. Conformément à son rôle d’arbitre suprême et de gardien impartial des lois.
  3. Amère ironie dans la bouche de la reine.
  4. Frère de la reine Gunnhild.
  5. Rompre les harts et s’introduire sans autorisation dans l’enceinte sacrée, c’était commettre un sacrilège qui nécessairement devait mettre fin à la procédure.
  6. Le duel constituait le dernier refuge et la suprême ressource de ceux qui, se croyant lésés dans leurs droits, désespéraient d’obtenir gain de causé. Par le fait même de la provocation en combat singulier, le