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La corne se brisa en morceaux[1] et le breuvage se répandit dans la paille. En ce moment Ölvir commença à perdre connaissance[2]. Egil se leva et le conduisit à la porte tout en appuyant la main sur son épée. Quand ils arrivèrent à la sortie, Bard les rejoignit et invita Ölvir à vider la coupe de la noce. Egil la saisit, but et dit cette strophe :

Apporte-moi cette bière,
Car la boisson fait pâlir Ölvir.
Je fais passer sur mes lèvres
Le liquide que renferme la corne.
Vaines sont tes précautions,
Valeureux combattant ;
C’est la pluie des Ases[3]
Qui se met à tomber.

Egil lança la corne par terre, saisit son épée et la brandit. Il faisait obscur dans la salle de devant. Il transperça Bard de part en part, si bien que la pointe de l’épée sortit par le dos. Celui-ci tomba raide mort et le sang jaillit de la blessure. Ölvir aussi s’affaissa et vomit de la salive. Egil se précipita hors de la salle. Au dehors, c’était l’obscurité complète. Il se sauva en toute hâte loin de la ferme. Or, à l’intérieur, les gens remarquèrent que Bard et Ölvir gisaient par terre tous les deux. Alors le roi s’approcha et fit éclairer la place. Lorsqu’on vit ce qui s’était passé, qu’Ölvir était étendu là sans connaissance, que Bard était blessé et que tout le parquet se trouvait inondé de sang, le roi demarda quel était ce grand gaillard qui avait bu tant pendant la soirée. On lui dit qu’il venait de sortir. « Allez à sa poursuite, » reprit le roi, « et amenez-le devant moi. » On fit alors des recherches partout dans la propriété, mais on ne le trouva nulle part. Dans la salle du foyer on vit couchés par terre nombre de gens d’Ölvir. Les hommes du roi voulurent savoir si peut-être Egil y était venu. On leur dit qu’il était entré précipitamment, avait pris ses armes, puis était sorti. On en fit rapport au roi qui ordonna à ses hommes de partir en toute

  1. Sous l’influence magique des runes.
  2. Par suite de l’excès de boisson.
  3. La pluie des Ases, c’est le breuvage des scaldes, la poésie. Le vers signifie : Je compose un chant.