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férence à son égard ; mais Bera était d’avis qu’Egil possédait l’étoffe d’un viking ; sa destinée, dit-elle, demande qu’on mette à sa disposition un navire de guerre, dès qu’il aura atteint l’âge voulu. Egil dit cette strophe :

Ma mère est d’avis
Que l’on m’achète
Un bateau et de belles rames.
Je m’en irai avec les vikings,
Je me tiendrai à la proue[1],
Je piloterai une superbe embarcation,
Je ferai route vers la place de débarquement[2]
Et j’abattrai des hommes coup sur coup.

À l’âge de douze ans, Egil était d’une taille tellement robuste qu’il n’y avait guère d’hommes, si grands et si vigoureux fussent-ils, qu’il ne réussît à vaincre dans les jeux. L’hiver où il atteignit sa douzième année, il fréquentait beaucoup les jeux. Thord, fils de Grani, avait alors vingt ans et était, lui aussi, d’une force remarquable. Il arrivait fréquemment, vers la fin de l’hiver, qu’Egil et Thord se trouvaient tous les deux postés vis-à-vis de Skallagrim. Or, un jour, alors que l’hiver touchait à sa fin, un jeu de balle eut lieu à Borg, dans le Sud, au pays de Sandvik, Thord et son ami étaient, pendant le jeu, placés en face de Skallagrim. Ce dernier se fatigua à lutter contre eux et il eut le dessous. Cependant, au soir, après le coucher du soleil, cela commençait à tourner mal pour ses adversaires. Grim alors devint tellement fort[3] qu’il saisit Thord et le jeta par terre avec tant de violence que celui-ci fut totalement paralysé et rendit l’âme aussitôt. Ensuite il voulut mettre la main sur Egil. Skallagrim avait une servante du nom de Thorgerd Brak. Elle avait élevé Egil, quand il était enfant. Elle était résolue, forte comme un homme et très experte en magie. Brak s’écria : « Tu exerces donc ta rage, Skallagrim, contre ton fils ! »

Skallagrim alors lâcha Egil pour s’en prendre à elle ; mais elle

  1. C’est-à-dire au poste d’honneur et de combat.
  2. Pour se livrer à la piraterie en pays étranger.
  3. La fureur poussée au paroxysme opérait chez lui une véritable transformation physique. Comme son père Kveldulf, il sentait, à la nuit tombante, ses forces grandir démesurément.