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la saga de nial

Quand les hommes furent assis à table, Bergthora dit : « On vous a fait des présents à tous, au père et aux fils ; et si vous n’êtes pas des hommes de rien, vous les revaudrez à ceux qui les ont faits ». — « Quelle sorte de présents ? » dit Skarphjedin. — « Vous, mes fils vous n’avez qu’un présent pour vous tous : on vous a appelé des barbons couverts de fumier ; mais mon mari, on l’a appelé le drôle sans barbe ». — « Nous n’avons pas des cœurs de femmes, dit Skarphjedin, pour nous fâcher de tout ». — « Gunnar s’est pourtant fâché pour vous, dit-elle, et il passe pour avoir un bon naturel ; si vous ne tirez pas vengeance de ceci, vous ne vengerez jamais aucune honte ». — « La vieille, notre mère, pense qu’il faut nous exciter » dit Skarphjedin, et il ricanait. Mais la sueur lui sortait du front, et il lui venait des taches rouges aux joues ; ce qui n’était pas sa coutume. Grim se taisait et se mordait les lèvres, Helgi ne disait mot. Höskuld sortit avec Bergthora. Elle rentra bientôt, et elle était toute écumante. Njal dit : « Qui se met tard en route arrive pourtant, ma femme. Il en va ainsi dans bien des affaires, quelque désagrément qu’elles donnent ; il y a toujours deux côtés à la question, même quand on tient sa vengeance ».

Le soir, quand Njal se fut mis au lit, il entendit une hache qui frappait la muraille, et qui rendait un grand son. Il y avait un autre lit fermé, où les boucliers étaient pendus ; il regarde et voit qu’on les a ôtés. Il dit : « Qui a ôté de là nos boucliers ? » — « Tes fils sont sortis, et les ont pris avec eux » dit Bergthora. Njal mit vivement ses souliers à ses pieds, et sortit. Il s’en alla derrière la maison et vit qu’ils montaient la colline. Il dit : « Où allez-vous ainsi ? » Et Skarphjedin chanta :

« Toi qui possèdes de vastes terres, et de grandes richesses, tu as des moutons que nous allons poursuivre, d’une course folle. Ils n’ont pas plus de sens que les moutons qui paissent l’herbe, ceux qui ont