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iv
la saga de nial

temps, et comprendre qu’alors verser le sang n’était pas un crime. C’est seulement à cette condition qu’on peut supporter cette série de meurtres qui se suivent l’un l’autre, coup pour coup, et que, tout en nageant dans le sang, on peut ne pas fermer les yeux sur la fermeté, la grandeur d’âme, les nobles sentiments, les fortes passions, les évènements extraordinaires qui se révèlent sous ces dehors terribles. Et certes il y en a assez pour attirer l’attention, pour toucher et émouvoir, pour frapper et saisir, pour faire trembler et frémir, comme aussi pour provoquer des larmes.

Quelle abondance, quelle multiplicité n’y trouve-t-on pas de caractères complètement tracés et bien soutenus ? C’est là, si l’on fait attention à l’époque de la Saga, tout ce qu’on peut demander en fait d’art historique : un récit véridique, qui va droit au fond du cœur, simple et rude, sans ornement et sans éclat, mais toujours marchant à son noble but, faire aimer ce qui est grand, faire condamner ce qui est méprisable. Quel homme que ce Gunnar ! Brave quand il faut l’être, mais ami de la paix, l’effroi de ses ennemis, et en même temps le plus noble des hommes. Il n’aime pas à se faire valoir devant les autres, à se vanter de sa renommée, à se mettre en vue, et pourtant il s’élève au-dessus de tous. Cette grandeur, cette véritable noblesse se communique à tout ce qui passe près de lui, jusqu’au chien Sam qui tout d’abord le reconnait pour son maître, devine en quelque sorte sa pensée et donne sa vie pour lui en hurlant pour l’avertir. Sa querelle avec Halgerd n’en est que plus saisissante. La beauté