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pratique la générosité ; le poète s’y attend. Que le prince me dise s’il a jamais entendu un poème plus magnifique fait en son honneur ! Voilà ma drapa[1]. »

Le roi le remercia pour son chant, fit venir son trésorier et dit : « Comment vais-je récompenser cette poésie ? » — « Comme vous le voudrez, seigneur, » fut la réponse. « Comment trouves-tu la récompense, » reprit-il, « si je lui donne deux vaisseaux marchands ? » Le trésorier répondit : « Elle serait trop belle ; d’autres princes, pour récompenser les poètes, leur donnent de précieux bijoux, une bonne épée ou des bagues d’or. » Alors le roi donna au poète son vêtement d’écarlate tout neuf : un habit à bordures d’or, un manteau garni d’une superbe fourrure ainsi qu’une bague en or pesant un marc. Gunnlaug remercia le roi pour ses présents ; il resta quelque temps encore chez lui et se dirigea ensuite vers les Orkneyjar.

Sur les Orkneyjar[2] régnait à cette époque le jarl Sigurd Hlödvisson. Gunnlaug présenta ses hommages au jarl et lui annonça qu’il avait une poésie à réciter en son honneur. Le jarl répondit qu’il désirait entendre son chant et l’appela homme d’honneur. Gunnlaug récita ses vers : c’était un flokkr[3] bien tourné. En récompense de son chant, le jarl lui fit présent d’une grande hache incrustée d’argent et l’engagea à demeurer auprès de lui. Gunnlaug remercia le prince pour son cadeau et son invitation, mais déclara qu’il devait aller du côté de l’est, en Suède. Là-dessus, il prit la mer

  1. La drápa est un poème scaldique de longue haleine, comprenant parfois 70-80 strophes, composé généralement en l’honneur d’un roi ou d’un prince et accompagné d’un refrain (stef) qui ne se répète toutefois qu’après un nombre déterminé de strophes.
  2. Les îles Orcades.
  3. Le flokkr est un petit dithyrambe sans refrain.