et lui réclama son argent. Celui-ci répondit qu’il ne le rendrait point. Alors Gunnlaug dit cette strophe :
« Modi du cliquetis des armes ! c’est une résolution funeste de ta part de me retenir mon argent ; tu as trompé par ta ruse celui qui rougit la pointe de l’épée. Sache que je m’appelle Langue de Serpent — ce n’est pas sans raison que j’ai reçu ce nom dans ma jeunesse — je vois ici l’occasion de le prouver[1]. »
« Maintenant je t’offre le choix, » dit Gunnlaug ; « ou tu me remettras mon argent ou tu iras en duel avec moi dans un délai de trois nuits. » Le viking se mit à rire et répondit : « Personne n’a encore eu l’audace de me provoquer en duel, attendu que plus d’un a succombé sous mes coups ; cependant je suis tout prêt à accepter. » À ces mots ils se quittèrent. Gunnlaug raconta au roi ce qui était survenu entre Thorgrim et lui. Le roi dit : « Te voilà engagé dans une affaire bien périlleuse, car cet homme émousse le fer quel qu’il soit. Tu vas suivre mes conseils, Gunnlaug, » ajouta le roi, « voici une épée que je veux te donner ; c’est avec celle-ci que tu combattras, mais tu montreras à ton adversaire celle que tu as eue jusqu’ici. » Gunnlaug le remercia cordialement.
Or, lorsque les adversaires se trouvèrent en champ clos, Thorgrim demanda à Gunnlaug quelle était cette épée avec laquelle il se proposait de lutter. Celui-ci la lui montra en la brandissant ; mais il avait attaché à sa main la courroie fixée à la poignée du présent royal. « Je ne redoute point cette arme, » s’écria le viking, en apercevant la
- ↑ Modi est un ase, fils du dieu Thor. Le Modi du cliquetis des armes désigne le guerrier, l’homme. Celui qui rougit la pointe de l’épée = l’homme en général ; ici, Gunnlaug.