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celui-ci lui fit connaître son nom et sa famille. « Skuli Thorsteinsson, » dit le jarl, « quelle est la situation de cet homme en Islande ? » — « Seigneur, » répondit Skuli, « accueillez-le bien, car c’est le fils du plus distingué des Islandais, d’Illugi le Noir de Gilsbakki, et mon frère nourricier. » Le jarl reprit : « Qu’as-tu à ton pied, Islandais ? » — « C’est un abcès, seigneur, » répondit Gunnlaug. « Cependant tu ne boites pas ? » demanda le jarl. « Je ne boiterai point, » fut la réponse, « tant que mes deux jambes seront également longues. » Alors un homme de la suite, appelé Thorstein, observa : « Il se vante passablement, cet Islandais ; il ne serait pas mauvais que nous le mettions quelque peu à l’épreuve. » Gunnlaug lui lança un regard et dit : « Il y a parmi les gens de la suite un sinistre vaurien ; prenez garde de vous fier à lui, il est méchant et noir. »

Thorarin voulut saisir sa hache, mais le jarl l’apaisa en disant : « Sois calme ; il ne faut pas s’inquiéter de pareils propos. Mais quel âge as-tu, homme d’Islande ? » — « J’ai dix-huit hivers, » répondit Gunnlaug. « Je voudrais jurer, » dit le jarl, « que tu n’en vivras pas dix-huit autres. » Gunnlaug reprit : « Ne lance pas des imprécations contre moi, jarl ! » — « Que viens-tu de dire ? demanda le jarl. « Ce qui me paraît juste, à savoir que tu ne dois pas me souhaiter malheur ; mais souhaite plutôt du bien à toi-même. » — « Quoi donc ? » dit le jarl. « Que tu ne trouves pas une mort pareille à celle du jarl Hakon, ton père[1]. » Le jarl devint rouge comme du sang et s’écria : « Saisissez ce fou ! »

  1. Hákon enn riki, fils du jarl Sigurd, fut tué par un domestique dans une étable, à Rimul, en 995.