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les deux à cause d’elle. Il arrivera ensuite un troisième des pays d’où est venu le faucon ; il demandera à son tour la main de ta fille et c’est à lui qu’elle sera donnée. » « Voilà l’interprétation de ton rêve, » ajouta-t-il, « tel que je pense qu’il va se réaliser. » Thorstein répondit : « Ce rêve est interprété bien mal et d’une façon désobligeante, » dit-il, « j’aime à croire que tu n’es guère habile à expliquer les rêves. » Barth reprit : « Tu expérimenteras toi-même comment les choses se passeront[1]. »

Dès ce moment Thorstein se montra peu aimable envers le Norvégien ; celui-ci quitta le pays à l’époque où les Islandais changent d’habitation[2], et on n’en parlera plus dans cette histoire.

  1. L’importance que les anciens Scandinaves attachaient à la signification des rêves se trahit dans presque toutes les sagas. L’idée qu’ils se faisaient de la destinée marque en quelque sorte l’intermédiaire entre le fatalisme antique et la conception moderne du libre arbitre. En effet, les rêves, en leur dévoilant l’avenir, leur permettaient de braver, par un héroïsme exalté et un souverain mépris du danger, les coups de cette destinée qu’ils croyaient inéluctable. De là cette quantité de prophéties qui abondent déjà dans l’Edda ; de là aussi ces épisodes merveilleux qui contribuent à donner aux récis une teinte essentiellement poétique. (Cf. Wilh. Henzen : Ueber die Träume in der altnord. Sagalitteratur. Leipzig 1890.)
  2. Fardagr, « jour de voyage », est le jour fixé par la loi, où les Islandais changent de demeure, ce qui se faisait quatre fois par an.