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est une des rares histoires dont l’idée dominante se développe sur des bases autres que l’exposition purement chronologique des faits. L’amour est le ressort de l’action, l’amour profond qu’éprouvent pour Helga la Belle deux jeunes Islandais, entourés du prestige d’une naissance illustre, se distinguant par de grandes qualités morales et physiques et, en outre, doués l’un et l’autre d’un talent poétique remarquable. C’est un spectacle saisissant que d’assister, à travers toute la série variée des épisodes, au développement de cette rivalité qui ne pardonne pas, qui grandit insensiblement pour arriver au point culminant, au chapitre XI de la saga. Ce chapitre marque, en effet, nettement le nœud de ce drame émouvant. Dès lors, on sent approcher avec angoisse, lent mais inévitable, le fatal dénoûment.

Certes, il se rencontre dans les récits plus d’un détail fantaisiste ; il y a des embellissements dus à l’imagination du narrateur ou de l’écrivain. Cette parure, toutefois, a sa raison d’être ; elle est destinée à renforcer le pathétique des situations ; elle a pour but d’ajouter encore à l’impression de la réalité ; elle imprègne l’ensemble d’une saveur poétique qui contribue puissamment à mettre en relief et à faire sentir plus vivement encore ce que l’histoire réelle offre de particulièrement touchant.

Parmi les personnages de la saga, Gunnlaug occupe incontestablement le premier rang. Ce qui frappe d’abord chez lui, c’est la vivacité de son tempérament. Au début de l’action, le narrateur lui reproche son irrésolution, entraînant une certaine inconséquence dans sa façon d’agir. Elle est due à une sensibilité très prononcée et une certaine fougue de jeunesse, alliées cependant à une franchise et une droiture d’intentions qui rachètent amplement ses travers. Dans plusieurs livres islandais il apparaît avec le surnom de « Langue de Serpent ». On peut se