Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/26

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dégage. D’une part, nous y trouvons la preuve que l’intention de l’auteur n’était pas de rédiger une biographie. Il a voulu écrire un livre imprégné d’art et de poésie. Les procédés dont il s’est servi ne laissent aucun doute à cet égard. Dans la quantité de détails relatifs à son héros, il a fait un choix judicieux. Laissant de côté tout ce qui n’avait pas de rapport direct avec son sujet, tout ce qui ne faisait pas partie intégrante de l’histoire à raconter, il a soigneusement limité sa besogne au récit des faits qui rentraient le mieux dans le cadre de son modeste travail, qui lui paraissaient propres à mettre en lumière les traits sympathiques et l’émouvante destinée de ses personnages. Voyez ces phrases où il cherche visiblement à élaguer ce qui lui semble inutile ou encombrant : « Thorstein et Jofrid eurent beaucoup d’enfants, mais peu d’entre eux seront mentionnés dans cette saga. » De même, parmi les fils d’Illugi et d’Ingeborg il n’en cite que deux. Il n’est pas du tout question des querelles de Gunnlaug et de son père avec le godi Snorri (cf. Eyrbyggja saga, ch. CIII).

D’autre part, l’accord de toutes les sources prouve de façon irrécusable que le noyau de l’histoire de Gunnlaug repose sur des faits positifs. Cette histoire était très répandue en Islande ; elle se racontait fréquemment ; le peuple la connaissait fort bien ; cette vogue dont elle jouissait empêchait précisément les narrateurs de s’écarter de la réalité au gré de leur fantaisie. D’ailleurs, cet accord remarquable ne se manifeste pas seulement dans les lignes fondamentales, dans les contours essentiels de la saga, il s’observe en plus d’un point jusque dans des détails d’importance toute secondaire ; et ceci constitue un témoignage de plus en faveur de l’esprit de véracité de l’auteur et de la fidélité avec laquelle il rapporte ce qu’il a vu lui-même ou ce qu’il a entendu raconter.