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de réaliser une marche supérieure et d’abréger le temps d’une navigation où les passagers étaient en surnombre et les provisions à l’étroit. D’Espagne et de Portugal, de France, d’Angleterre et de Hollande, les négriers affluaient. Le seul port de Liverpool, en la seule année 1753, en arma cent un, tandis que de tout le règne de Louis XV, le port de France qui arma le plus de négriers, Nantes, n’enregistra pas plus de 787 départs. C’est que les besoins des colonies anglaises, des Antilles comme de la Nouvelle-Angleterre, étaient beaucoup plus considérables que les nôtres ; la seule Barbade nécessitait l’importation annuelle de cinq mille nègres, pour maintenir à un effectif de soixante-dix mille la main-d’œuvre nécessaire à la culture de l’île.

De la taille d’une modeste goélette, le négrier n’a pas cent pieds de franc-tillac et rarement deux cents tonneaux. De tous les bâtiments nantais qui armèrent au cours du dix-huitième siècle, quatre, pas davantage, dépassèrent quatre cents tonneaux.

L’abbé Raynal en donne la raison. Dans les premiers temps de la traite, au dix-septième siècle encore, les régions voisines de la côte fournissaient en deux ou trois semaines les éléments d’une grosse cargaison, où tous les esclaves parlaient la même langue et se sentaient moins dépaysés. Au lieu qu’au dix-huitième siècle, il était difficile de se procurer en un mois plus d’une centaine de nègres, amenés de l’intérieur de l’Afrique et épuisés par les fatigues d’un long voyage. Rester plusieurs mois en vue de la côte africaine jusqu’au plein des soutes, c’était anémier