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nicanée, bajutapeau rouge et bleue de Hollande), fusils, eau-de-vie et baril de poudre. Et c’est sensiblement de même que se payait, en 1816, un noir du Congo. Au milieu du siècle dernier, son prix était d’un fusil, d’un sabre dit manchette, d’un baril de poudre, de seize bouteilles de rhum et d’autant de pièces d’étoffe. De-ci, de-là, un rasoir, une paire de ciseaux, des assiettes, des bagatelles grossissaient le paquet, ainsi appelait-on l’achat des nègres.

Pour combattre la nostalgie et le marasme qui les enlèvent, leurs satellites, les barraconniers les font sortir deux fois par jour et les contraignent à s’asseoir, enchaînés, au milieu de la cour du tronc. L’un d’eux entonne un chant africain et frappe des mains en mesure : malheur à l’esclave qui ne l’imite pas. Le fouet siffle au-dessus du cercle de chair humaine et lui imprime par la terreur l’obligation de se livrer au rire et à la joie. Ce rire, si nécessaire à la santé, le barraconnier l’obtiendra par la pitrerie, en se livrant à des contorsions de vieux singe peinturluré de blanc et de jaune.

Alerta ! la nuit venue, des factionnaires blancs et noirs se répondent et marquent leur garde vigilante autour du barracon. C’est l’instant où les esclaves se suicident, les nègres de Cormentin notamment, en avalant leur langue, d’autres, en mangeant de la terre et en amenant ainsi chez eux un état de langueur qui les conduira au tombeau. Ils ont peur. Un noir ne prétendait-il pas au docteur Isert qu’avec les os de ses congénères, nous fabriquions de la poudre, et des souliers avec leur peau !